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30 JUIN 2016

Retrouvez en exclusivité et en intégralité l’interview donné à l’hebdomadaire « La Dépêche » sur l’avenir du Collège Pierre Mendès France de Val-de-Reuil

« Pourquoi réduire nos efforts à néants ? 

Maire de Val-de-Reuil, Marc-Antoine Jamet a fait du sauvetage du collège Pierre Mendès France (PMF) une priorité. Il ne manque pas d’arguments…

 

Marc-Antoine Jamet, la commission départementale de l’Éducation nationale a donné un avis défavorable au PPI du Département. Cela change quoi ?

 

C’est un avis objectif. Il est celui de spécialistes qui ne se fondent « que » sur les critères de l’éducation nationale, qui n’agissent « que » pour le bien-être des enfants. Ce n’est pas un ukase comptable ou politique. On franchit ici une étape essentielle. Oublions la dernière séquence où tout le monde a voulu prendre des postures, parfois en improvisant, ce qui n’était pas une bonne chose. Redonnons à ce dossier de la profondeur, du temps, de la visibilité. La première mi-temps a été hachée et brouillonne. Cette deuxième période va permettre de replacer les joueurs, de faire circuler le ballon, de construire le jeu.

 

Sébastien Lecornu, le président du Conseil départemental, assure que PMF est « bourré d’amiante du sol au plafond ». C’est quand même embêtant ?

 

Ce n’est pas sa première erreur technique. Il avait prétendu que PMF était un collège Pailleron. C’était faux. L’amiante, c’est une autre affirmation hasardeuse. Ce collège date des années quatre-vingt. Pas des années soixante-dix. Il n’y a pas de flocage, de propulsion ou de neige d’amiante, ce que vise sans doute le Président du Conseil Général. Il s’agit de colles et d’éléments durs dans la composition desquelles entre une part d’amiante. Même nom, mais pas les mêmes effets. Heureusement. L’ancien directeur des services techniques du Département a pris la plume, ce qui est rare, pour apporter un démenti ferme à M. Lecornu. Je crains qu’on prétende maintenant que le collège est inondable ou qu’il est situé sur une faille sismique. On peut tout inventer, mais est-ce à la hauteur de l’enjeu et des responsabilités des décideurs ? On ne joue pas au poker menteur avec l’avenir des enfants.

 

« On va faire quelque chose d’épouvantable ! »

 

Le problème avec le collège du Vaudreuil ?

 

On court vers une absurdité que la création de cet établissement portait en germe. Ce collège extérieur à Val-de-Reuil accueille déjà 65 % d’élèves issus de Val-de-Reuil. Ils ont été dans les écoles de Val-de-Reuil et iront au lycée à Val-de-Reuil. Pourtant, de manière artificielle, les élus au Conseil d’Administration de leur collège ne sont pas ceux que leurs parents ont désignés. Les jumelages ne sont pas ceux de leur ville. Les projets d’école ne sont pas les leurs, etc, etc. Le collège Michel de Montaigne, sur lequel il faudrait s’interroger en priorité, si on était lucide et rationnel (ce que je ne demande pas), a été créé en fonction d’objectifs politiques à l’époque d’Henri Collard. Ne recommençons pas la même erreur.

 

Que préconisez-vous ?

 

Il faut, pour des raisons pédagogiques, garder deux collèges à Val-de-Reuil ! Lorsqu’un élève est en difficulté, on le mute d’un collège à l’autre en gardant un œil sur lui, comme nous faisons entre PMF et Alphonse Allais. Il reste dans un système maîtrisé. Ce que propose M. Lecornu, c’est d’expédier les éléments les plus compliqués à Michel de Montaigne qu’il va déstabiliser ou de les exiler à 10 kilomètres, à Louviers, sans la proximité de ses parents, sans l’encadrement de sa commune. Tous ceux qui ont eu un enfant difficile savent ce que je veux dire. Quand à Alphonse Allais, avec plus 600 élèves, on va créer une bombe en zone d’éducation prioritaire. C’est de la folie. Sa restauration scolaire n’est pas à la taille, sa cour n’a pas les dimensions nécessaires, le nombre de conseillers principaux d’éducation (CPE) n’est suffisant. Quand on a trois établissements, on joue dans un triangle. On peut ne pas accuser l’un d’être le ghetto, l’autre l’excellence. On peut travailler dans la finesse et la souplesse. Là on va faire quelque chose d’épouvantable qui va, qui plus est, déstabiliser tous les collèges de la CASE !

 

« Tous nos efforts réduits à néant »

 

Vous pensez que cela va stigmatiser les différences entre les riches et les pauvres ?

 

Ce n’est pas la peine d’exacerber les oppositions entre Le Vaudreuil et Val-de-Reuil. Avec mon équipe, avec mon prédécesseur, avec nos voisins, nous avons mis des années pour parvenir à ce que cesse l’opposition entre le vieux village et ses supposés riches habitants, la ville nouvelle et ses logements sociaux. Nous avions tourné le dos à ces caricatures. Pourquoi réduire en un instant nos efforts à néant ? Songe-t-on aux conséquences pour les deux, mais aussi pour Léry et Poses, en termes de sécurité, de logements ou de commerces ? Alors que tout devrait nous conduire à créer ensemble une commune nouvelle, on vient de l’extérieur raviver les hostilités. Ceux qui font cela ne connaissent pas l’histoire de ce canton. Leur jeunesse n’est pas une excuse.

 

Quelles conséquences auraient la fermeture de PMF ?

 

Outre les conséquences scolaires que j’ai décrites, on va au rebours de plusieurs politiques publiques. Alors que les ressources sont rares, que les impôts sont lourds, on organise la gabegie et le gaspillage. C’est ce que j’appelle, sans manquer de respect au Président du Conseil Général, une politique de Gribouille, une tactique du sapeur Camembert. Premièrement, alors qu’on vient de rénover la Gare, de construire le théâtre, d’attirer 400 logements autour de PMF, on le fait disparaître. Catastrophique. Deuxièmement, alors que la stratégie de l’agglomération est de créer de la centralité et de la vie autour de l’axe stratégique Thorel/SNCF, on organise un désert, un no man’s land au point d’arrivée de cette voie triomphale. Quelle bêtise. Enfin le dernier point est le plus navrant, le plus désastreux, le plus désinvolte. Nous sommes engagés avec l’ANRU dans une politique ambitieuse de revitalisation du germe de Ville et on vient s’amuser à placer – exprès – sur la dalle une friche. Si j’étais encore à la Cour des comptes, au nom des administrés du département, pour protéger les contribuables eurois, je serais très sévère avec ce projet.

 

Sébastien Lecornu assure qu’il va mettre les moyens sur Alphonse Allais ?

 

On ne peut dire n’importe quoi. Je suis fils et petits fils de professeurs. D’abord, la pédagogie n’est pas une question comptable. C’est faire confiance à une équipe et à une ambiance aujourd’hui désavouées. C’est comprendre qu’on ne peut pousser les murs d’une cour ou doubler les espaces de restauration scolaire. C’est se rendre compte qu’on ne peut pas surpeupler des couloirs ou doubler d’un claquement de doigts la cadence des bus qui conduisent à l’établissement. C’est savoir qu’un collège REP a une fréquentation maximum par classe, non pas de 30 comme le croit l’exécutif du conseil départemental, mais de 24 élèves. C’est ne pas dire qu’on va rénover, confondant l’ancien Alphonse Allais et le nouveau construit il y a cinq ans, un collège… neuf ! Ceux qui ne prendraient pas ces arguments en compte porteront la responsabilité de l’échec scolaire d’une génération.

 

Vous pensez que cette affaire est purement politique et que Sébastien Lecornu vous vise directement en fermant Mendès France ?

 

Ce n’est pas une affaire personnelle. J’ai en privé, et il le sait, des relations cordiales avec M. Lecornu. Rompant avec cette volonté qui reste mienne, il a décidé de donner un signe politique très agressif avant les présidentielles. Mais quel rapport entre ce coup de menton en direction de la primaire des Républicains et l’intérêt général ?  Certes, notre territoire n’a pas voté pour la majorité actuelle, mais pourquoi devrait-il être puni. Faudrait-il que nous allions, tous, voter en novembre contre M. Le Maire à Evreux, à Louviers, à Vernon pour faire entendre raison à son commensal ? Faudrait-il que, pour battre la droite, le principal débat de la législative dans la 4eme circonscription soit l’éducation pour qu’il comprenne ? Je ne dis pas que Val-de-Reuil est visée ou est une cible. Je dis qu’elle est oubliée. Ce n’est pas un hasard. Notre commune est perdue politiquement par la majorité actuelle qui y réalise ses plus mauvais scores de l’Eure. M. Lecornu, qui n’a pas oublié Vernon, préfère mettre ses moyens ailleurs et privilégier des territoires amis. Ce n’est pas digne. Ce n’est pas respectueux. Surtout, ce n’est pas juste. Je rappelle – je ne l’avais pas dit jusqu’alors – que, en dehors de l’ANRU et de l’Ilot 14, opérations obligées, le département n’a aucun projet sur ma Ville et je trouve triste que M. Lecornu fasse ainsi l’impasse sur l’avenir d’un territoire de croissance et d’emploi.

 

Vous avez écrit à Najat Vallaud-Belkacem, la ministre de l’Éducation nationale. Comment peut-elle intervenir dans ce dossier ?

 

Elle a les moyens, elle, de rappeler la vérité : ce qu’est un réseau d’éducation prioritaire, que l’on forme au numérique à Mendès France les professeurs de l’Éducation nationale car c’est un collège Cocon, que le collège PMF est la tête de réseau du CNAM dans l’Eure. C’est son rôle de ministre de l’Éducation nationale. Ce n’est pas un problème politique mais une question d’expertise et de compétence.

 

Sébastien Lecornu ne croit pas à l’augmentation de la population à Val-de-Reuil ?

 

Mal informé, il parlait dans le vide. Aucun recensement n’a été réalisé sur Val-de-Reuil. C’est une exception nationale. En outre, le départ de la gendarmerie et de l’Esitpa, la diminution pendant plusieurs années des effectifs de la prison (et donc des gardiens), les déconstructions de logements de l’ANRU auraient du nous faire perdre des habitants en masse. Au contraire, nous en avons un peu gagné. Sans ces handicaps, notre démographie forte va nous faire repartir de l’avant. Autour de PMF, la Siloge a inauguré à cette année 92 logements. Altitude Lotissements en construit 120 et Nexity, avec la belle architecte Manuelle Gautrand, en édifie une soixantaine. Cela fait 400 maisons et appartements. Le Préfet est venu visiter les parcelles avec moi, ce que n’a pas fait le président du Conseil départemental. Il a constaté que tous les chantiers sont très avancés. Enfin, suis-je le seul à me souvenir qu’on a ouvert huit classes à Val-de-Reuil en seulement quatre ans, soit 200 élèves supplémentaires. Il est difficile de dire que la population d’un collège va baisser lorsque augmente autant l’échelon primaire !

 

Sébastien Lecornu semble inflexible. Faire machine arrière serait pour lui perçu comme un désaveu politique. Comment compter arriver à vos fins ?

 

On ne se déshonore jamais à revenir sur une mauvaise décision, prise trop rapidement, insuffisamment travaillée. Une étude a démontré que, pour sept millions d’euros, on peut moderniser PMF à une bonne taille des 400 élèves. On sait aussi qu’il y a un plan national de rénovation urbaine (PRNU2) sur lequel le Conseil départemental s’est engagé à hauteur de cinq millions d’euros. Je le regretterai, car ce serait anormal, presque amoral, mais si l’Eure est à ce point proche de la banqueroute et veut utiliser cet argent pour cette opération, j’en suis d’accord. Tous les éléments d’un bon choix sont là. Il faut maintenant, comme l’a demandé le Préfet, réunir des groupes de travail pour préserver l’avenir de ce collège fondamental pour Val-de-Reuil et pour les communes qui l’entourent. Sa fermeture serait dramatique pour l’agglomération Seine-Eure tout entière.

 

« J’essaie d’éclairer les autres »

 

Vous allez pouvoir sauver une seconde fois ce collège ?

 

Je n’ai rien à perdre. Seuls comptent les élèves et ma Ville. J’ai une lanterne à la main. J’essaie d’éclairer un chemin. Aujourd’hui, malgré mes propositions, je n’ai reçu aucune réponse du président du Conseil départemental. Dommage. L’absence de dialogue, la tour d’ivoire, ne sont pas des formes modernes et adaptées de dialogue politique. Lorsque M. Lecornu m’a dit, il y a trois mois, qu’il allait réfléchir à la fermeture de Pierre Mendès France, je lui ai expliqué les conséquences politiques et locales de son geste, expliqué les raisons pour lesquelles il ne fallait pas le faire. J’ai cru le convaincre. Il m’a demandé des éléments chiffrés pour étayer ce que je lui révélais. Il n’a pas attendu que je les lui transmette. Etrange. On ne peut pas agir comme cela sur un coup de tête. Intentions et intuitions ne suffisent pas. Je ne cherche pas à dire du mal du nouveau responsable du département. Vous avez vu la correction de mes propos. Il n’a pas toujours fait de même. Qu’importe. Je pratique le pardon des offenses. Mais malheur à celui qui blesse un enfant !

 

 

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