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14 JUIL 2016

Cérémonie du 14 juillet 2016 – Monument Mémoire et Paix de Val-de-Reuil

Cher(e)s ami(e)s,

Je vous remercie d’être fidèles à cette cérémonie et de vous réunir – avec courage, malgré l’orage qui gronde – sous ce ciel normand, donc incertain.

Notre rassemblement est d’abord l’expression d’une amitié. C’est sa signification politique forte et première. Il est l’occasion, en effet, de recevoir des compagnons, des partenaires, des européens. Eux et nous avons perdu, les uns devant l’Islande, les autres devant le Portugal, un merveilleux Euro. Ce n’est pas grave. C’est même sans aucune importance. Eux et nous, vaincus par la démagogie et le populisme, ne sommes plus dans la même Europe. C’est un véritable drame. C’est une catastrophe. Ces femmes, ces hommes, venus depuis la frontière de l’Ecosse, nous les connaissons bien et depuis longtemps. Ils aiment notre Ville qu’ils visitent régulièrement comme nous visitons régulièrement la leur. Nous disons souvent qu’ils sont la 61ème nationalité de Val-de-Reuil. Je n’imagine pas que nous les laissions s’éloigner sans un mot, sans un geste. Plus qu’à travers de longs discours, mieux que par d’ennuyeuses tribunes, à notre échelle, évidemment modeste, il fallait que nous traduisions concrètement la solidarité, la communauté de destin, qui existent entre le Royaume-Uni et la France.

Chers amis, je vous demande donc de saluer, comme il se doit, la délégation de Workington. Le destin et les caractéristiques de cette commune anglaise, ouvrière et populaire, avec laquelle nous sommes jumelés, sont, à bien des égards, semblables à la nôtre. A Workington et à Val-de-Reuil, nous n’avons jamais douté que les enfants soient les mêmes. Nos invités sont emmenés par leur maire, mon homologue, Dame Joan Wright. Toutefois, et c’est un honneur que nous devons mesurer, un symbole que nous devons méditer, elle n’est pas venue seule. Pour manifester l’appartenance à l’Europe du Royaume-Uni, soulignant la force du lien qui unit nos deux villes, dix jours après le Brexit qu’elle a combattu, alors qu’aux Communes un nouveau Premier Ministre travailleur va être désigné et que, dans son propre Parti, la lutte pour le leadership fait rage, Sue Haymann, la représentante de Workington au Parlement de Wesminster, députée du Labour, a choisi de manifester, par sa présence parmi nous, par le discours qu’elle va prononcer devant notre monument, le refus d’une absurdité. Comme beaucoup de ses compatriotes, elle n’accepte pas le divorce entre son « ile » qui n’en est plus une et notre continent. Pour elle, comme pour nous, par-delà le Channel, nos deux pays font naturellement partie d’un même ensemble. Pour elle comme pour moi, pour eux comme pour nous, face à la mondialisation, pour y résister et la surmonter, nos deux Nations, par logique, par intérêt, par affinité, sont sœurs.

Bien-sûr pendant longtemps les Anglais ont été nos pires ennemis ! D’abord Guillaume, qu’ils appellent William ou, pire, Willy, en partant de chez nous, les a conquis. Puis ils ont brûlé Jeanne et enfermé l’empereur. Pour ne rien arranger, ils conduisent à gauche et mangent porridge et pudding. Mais, depuis, nous avons lentement compris qu’ils n’étaient pas uniquement des voisins, ni même des alliés, mais des associés et des amis. Nous partageons tant de choses avec eux :  culture, système démocratique, art de vivre. Il n’est pas jusqu’à la pluie qui ne vienne de chez eux. Il pleut des hallebardes en France, des chiens et des chats en Grande-Bretagne, mais c’est la même eau qui, ce matin, nous trempe au plus profond des os. Cette cérémonie ne se veut pas qu’un hommage à ceux qui, en voulant rester avec nous, ne se sont pas trompés. Elle est combat. Il en est tant que nous avons mené ensemble.

L’Histoire nous convoque aujourd’hui pour une commémoration. Notre séparation a été prononcée alors que nous devrions nous souvenir de nos noces de sang. Il y a symboliquement un peu de 11 novembre dans cette fête nationale. Pas très loin d’ici, il y a 100 ans presque jour pour jour, en juillet 1916, débutait la bataille de la Somme, le Verdun des Britanniques. Comme à Dunkerque, puis sur les plages de Juno et Sword, la France a vu des centaines de milliers de jeunes soldats venus de Londres, Liverpool et Conventry partager défaite puis victoire. Il y a 100 ans presque jour pour jour, en juillet 1916, sous le sifflet de leurs officiers qui ne criaient pas « en avant », mais « suivez moi », les meilleures troupes de l’empire britannique lancent l’assaut, quittant leurs tranchées. Le Front devait s’étendre sur 100 kilomètres. Il n’en fera que 32. Les Allemands alertés ont massé des dizaines de divisions. Ce sera une boucherie. A la première heure, il y a 3.000 morts ou blessés par minute, 50 par seconde. Le temps de compter jusqu’à 7, nous serions tous morts. Sur 120.000 Britanniques partis dans la première vague, on dénombrera 20.000 morts à la tombée de la nuit. C’est le jour le plus sanglant de son histoire pour l’armée britannique. En 5 mois, il y aura 4 millions de soldats servant sous l’Union Jack qui passeront sur la Somme. 450.000 seront tués ou blessés. Leur sang se répandra sur la terre de France. C’est la signification du coquelicot que nos amis portent parfois à la boutonnière. Ensemble, avec l’Allemagne, le rouge devait se mêler au bleu pacifique du drapeau européen. Là était notre avenir. Nous jurons de tout faire pour qu’il soit celui des générations futures.

Mais notre cérémonie, nous ne l’oublions pas, conserve sa signification traditionnelle. Elle n’est pas « Bastille day » et anniversaire de 1789, comme le pensent encore les tabloïds anglais, mais la commémoration du 14 juillet 1790 et de la fête de la fédération. Nous avons respectée cette interprétation. Hier soir, nous étions des milliers rassemblés dans la joie pour un extarordinaire feu d’artifices. Il fût précédé d’un énergique « God save the Queen » et d’une vibrante « Marseillaise ». Nos voix se sont mêlées. Anglais et Français chantaient à l’unisson.

C’est cela que n’a pas compris Bruxelles. Nous avons besoin de proximité, de chaleur et de repères. Nos concitoyens ont des exigences que l’Europe auraient dû entendre. Nous voulons être guidés par des principes : l’ordre plutôt que la délinquance, la laïcité plutôt que les communautés, le respect pour toutes les opinions et toutes les croyances, le progrès social plutôt que la régression. Cela implique dans nos collectivités de la volonté, de la clarté mais aussi de l’autorité. Dialoguer mais trancher. Ecouter mais décider. Il faut savoir être ferme et rester bienveillant. C’est ce qu’on appelle la responsabilité. Mon ennemi à Val-de-Reuil, comme à l’agglomération est double : l’individualisme des ambitions, le sectarisme partisan, l’injustice entre collectivités d’une part et je pourrais donner les noms de ceux qui, derrière la mollesse d’un visage, incarnent cette brutalité, la démagogie, la facilité, la mauvaise foi et la bêtise d’autre part et il faudrait que, de conseil en conseil, ceux qui n’ont jamais un mot à dire sur le logement, l’éducation, la sécurité, ceux qui préparent leur déclaration à l’avance pour mieux échapper au débat, nous laissent travailler malgré leur rancune. Ici nous sommes du côté de ceux qui rassemblent et agissent, pour les policiers et les professeurs, pour les associations et pour les entrepreneurs. Pas du côté de ceux qui divisent et polémiquent inutilement.

Cette cérémonie doit aussi faire place à une autre tradition. Elle honore nos morts. Il y a un an nous pensions à ceux du 7 janvier et nous étions Charlie, mais il y a eu ceux du Bataclan le 13 novembre, et nous pensons au Commissaire Arnaud Beldon cruellement frappé dont la Légion d’Honneur, plus méritée qu’aucune autre, nous a réjouis, et, hélas, de Bruxelles le 22 mars, ceux de Bagdad et Ankara, ceux de Djeddah et Dacca, de Tripoli et Sanaa, de Tel Aviv et Gaza, d’Orlando et de San Bernardino. Il faut que cela cesse. Notre détermination doit être entière. La lutte sera acharnée. Elle doit être conduite contre le terrorisme, celui des faits, attentats, crimes, assassinats, mais aussi celui des esprits qui est parfois plus proche de nous que nous le croyons. On doit bombarder Racqa, mais ont doit protéger Val-de-Reuil. C’est l’affaire de tous. Sans la moindre exception.

J’ai parlé de nos morts et je voudrais saluer deux personnes qui nous ont quittés voici quelques jours : Christian Boncour, lovérien qui a tant fait pour l’amour de l’Angleterre et Madame Filleul, habitante pionnière de Val-de-Reuil où elle tint le débit de presse de la dalle et à qui, jusqu’à la fin, malgré les vicissitudes de la vie, les coups du sort qui ne l’avaient pas épargnée, elle resta fidèle.

Je veux enfin citer trois noms Jo Cox, cette députée britannique tuée pour avoir cru à l’Europe, et que nous n’oublierons pas. Elle votre amie Sue et je vois votre émotion. Michel Rocard, homme complexe et difficile, intelligent et tourmenté qui, à la demande de François Mitterrand et Laurent Fabius, fit de notre ensemble urbain une commune de plein exercice. Enfin, une âme qui avait connu l’horreur de la Shoah, un homme qui avait vu, sur le quai de la gare d’Auschwitz, les SS le séparer de sa mère pour l’emmener à la chambre à gaz, qui avait vu son père décéder sous ses yeux entraîné par les Nazis dans la marche de la mort qui leur faisait fuit l’Armée Rouge, a rejoint Jehovah. A la demande de Bernard Amsalem, geste superbe, il avait parrainé, avec beaucoup d’autres grands de la pensée, de la politique ou de la littérature, ce monument qui n’est pas un mausolée, cette crypte qui n’est pas un monument aux morts, mais un temple à la mémoire et à la paix. Son vrai nom, celui qui fut donné par ses architectes Jakob et Macfarlane, est « entre ciel et terre ». C’est-là où est maintenant Elie Wiesel, mais son nom restera à jamais gravé pour l’éternité sur les murs de la cité contemporaine. Je l’avais rencontré à New-York avec Nicolas Sarkozy. Le philosophe n’avait pas oublié notre Ville et son engagement.

Il me faut en arriver au terme de cette intervention. Beaucoup de bonnes nouvelles vont accompagner Val-de-Reuil cette année. À l’automne, nous allons inaugurer une crèche, puis une autre au printemps, ce n’est pas courant, après la gare et la station des hauts prés. De très nombreux logements vont se construire, dont la superbe réalisation verte de mon amie, la belle architecte Manuelle Gautrand. Il y aura des entreprises qui vont s’installer, la première pierre de Hermès en témoignera, des immeubles tertiaires qui vont pousser autour de la Gare SNCF, et un centre commercial, l’îlot 14, qui va démarrer. Le 19 septembre, le PRNU 2 sera validé. Les jours de fête ne manqueront pas.

Mais il y aura aussi des épreuves car nous serons en année électorale. Les mauvais coups commencent à pleuvoir. De droite ou de gauche se déclarent aux législatives des candidats qui sont ce que l’on peut faire de plus lamentable : faiblesse de la volonté, indigence de l’intelligence, absence de stratégie, ignorance du bien public. Vieux chevaux de retour ou jeunes apparatchiks, ils ne valent pas mieux les uns que les autres. Ils ne nous méritent pas. Ils ne nous valent pas. Il n’y a aucune raison que nous les subissions. Le Front National menace, non pas tant par ce qu’il dit être, que par ce qu’il représente véritablement : le racisme, la vulgarité, la paresse, la corruption. L’argent de l’État qui a réformé le pays sans le relancer vient à manquer. La Normandie de Hervé Morin reprend, au Théâtre par exemple, les promesses faite par la région de Nicolas Mayer-Rossignol au mépris de la continuité républicaine. L’agglomération se détourne de l’intérêt collectif et soutient des projets qui lui sont opposés, contournement autoroutier, absurdité d’une gare LGV à Louviers, numérique éparpillé. Dans le sac où Priollaud l’enveloppe, je ne reconnais plus le Maire du Vaudreuil que je croyais au-dessus de ces mesquineries. Nous en payerons, nous en payons l’addition pratique et financière. Le département et son jeune président tentent, enfin, de fermer un collège, Pierre Mendes France, en racontant des balivernes pour nous mettre à genoux. Ils n’y parviendront pas. Force doit rester au droit.

Il faudra résister pour la croissance et pour l’emploi, surmonter et dominer les épreuves. Je m’y engage et je vous y enjoins. En s’engageant pour notre jumelage, en restant contre vents et marées européens, en repartant à la base de la construction de notre Union, Joan, Sue, Barbara, Mary, Mike, Margareth ne nous ont-ils pas montré, comme notre champion Mickaël Zézé qui partira à Rio avec le 4 X 100, la voie du courage et de l’audace ?

 

Vive Val-de-Reuil et Workington,

Vive le Royaume-Uni,

Vive la République et vive la France !

 

Marc-Antoine JAMET

Maire de Val-de-Reuil

Président de la commission des finances de la Région Normandie

 

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