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7 JUIN 2016

La fermeture du Collège Pierre Mendès France à Val-de-Reuil : une décision injuste, inepte, irréfléchie et irresponsable

 

On savait depuis son élection – et même avant – l’actuel conseil départemental fâché avec le monde de l’école. La preuve en est administrée depuis 15 mois : l’Eure, dirigée par la Droite, n’a eu de cesse, hélas, de diminuer les budgets de l’éducation comme elle s’en est prise à tous ceux des services publics locaux. On sentait la récente majorité par nature, par conviction conservatrice, peu amie des professeurs, des instituteurs et des maîtres. Il ne fallait pas être grand clerc pour le deviner : elle n’en compte quasiment aucun dans les rangs de ses élus départementaux. On mesurait, enfin, à chacun de ses gestes, à chacun de ses mots, le divorce qui existait entre le jeune Président du CD27 et toute idée de pédagogie, de culture ou d’enseignement : ressentiment personnel ou obscurantisme idéologique, il ne voulait manifestement pas d’une école républicaine, rempart contre le radicalisme et ascenseur social dans la République. L’extrême brutalité avec laquelle il s’en était pris, dès l’aurore de son règne, comme s’il n’y avait pas d’autres priorités, aux élèves désirant parfaire leur connaissance des langues par un séjour à l’étranger, supprimant les bourses qui leur étaient destinées, témoignait clairement de cet acharnement. Pourtant, cela ne lui a pas suffi.

Monsieur Lecornu vient avec la même violence de rayer de la carte scolaire plusieurs collèges de l’Eure, tous situés, comme par hasard, en zone d’éducation prioritaire, c’est à dire dans des quartiers de grande précarité qui, dans l’ensemble, ne votent ni pour lui, ni pour ses amis. Pierre Mendes France, à Val-de-Reuil, qu’il avait visité en septembre dernier pour en garantir la pérennité, en fait malheureusement partie. Cette décision est purement arbitraire. Le crypto-maire de Vernon, sans la moindre légitimité pour le faire, s’est manifestement arrogé un droit de vie ou de mort sur des établissements que, selon son bon vouloir ou son humeur du moment, alternativement, sont promis à la reconstruction ou à la démolition.

Deux étonnements d’abord devant ce comportement digne du sapeur Camembert connu pour reboucher un trou avec la terre d’un autre trou. Le premier est éthique. On veut espérer que ce n’est pas le nom d’un homme juste, efficace et intègre que le nouveau monarque départemental a voulu effacer. On aimerait que ce ne soit que, par ignorance, inadvertance ou désinvolture, bref involontairement, que, dans la circonscription qui l’a tant aimé, il fasse disparaître d’un claquement de ses doigts un symbole de l’intelligence et de grandeur de l’Eure. Cet exemple en forme de contrepoint ne lui était quand même pas à ce point insoutenable ? L’ombre du grand serviteur du pays lui était-elle autant préjudiciable ? Le patronyme de l’homme qui distribua un verre de lait aux enfants des écoles n’apparaîtra donc plus au fronton d’un collège. Le second est professionnel. On découvre, en cette piteuse occasion, les talents profondément cachés et les savoir-faire parfaitement insoupçonnés de l’ancien/toujours attaché parlementaire de M. Le Maire. Il s’enorgueillissait naguère d’être gendarme de réserve. Le voici également devenu recteur par auto-proclamation et par raccroc. En effet, cette décision sans doute improvisée un soir de banquet, sur le coin de table des primaires de l’ex-UMP, n’a fait l’objet d’aucune consultation, ni du terrain et on pense avant tout aux directeurs des écoles qui dépendent du collège Pierre Mendès France, ni des autorités académiques compétentes, rectorat et DASEN qui ont appris le caprice de l’exécutif/exécutant départemental en lisant le journal, ni des élus qui représentent au quotidien la population du territoire concerné et dont l’avais a été méprisé. Pas une minute de concertation avec la communauté éducative, les formateurs, les parents, les collégiens. Pas une seconde pour prendre le conseil ou consulter ceux qui, à l’éducation nationale, sont en charge de nos enfants. Un despotisme pas même éclairé. La méthode n’est pas seulement détestable. Elle est nulle.

Quoi qu’il en soit, après avoir juré, croix de bois, croix de fer, le 10 mai dernier, qu’il écouterait les arguments du Maire de Val-de-Reuil avant de faire son siège, après avoir promis d’attendre pour se déterminer les informations que lui donnerait les conseillers départementaux du Canton Jean-Jacques Coquelet et Janick Léger, après que l’un de ses directeurs généraux, David Mercier, a affirmé par mail, 24 heures seulement avant l’annonce de cette suppression qu’elle n’était pas à l’ordre du jour, une courte lettre en date du 2 juin a suffi au Jupiter ébroïcien pour accomplir son forfait. Il est vrai qu’il ne s’agit « que » de la formation de nos enfants. Pourquoi perdrait-on du temps ? Pourquoi prendre des gants ? Pédagogie, éducation prioritaire, réseau, soutien sont des gros mots manifestement inconnus de la collectivité départementale et du vocabulaire politique de son chef. Tout cela a donc été écarté d’une main molle et ennuyée.

Pour masquer sa très grande légèreté, Monsieur Lecornu évoque en vieux cheval de retour, malgré son âge encore tendre, en politicien roué, malgré sa relative virginité élective, dans un grand fourre-tout, censé camoufler son absence de jugeote, de jugement et de justice, à la fois l’héritage de son prédécesseur qu’il met décidemment sans la moindre élégance à toutes les sauces les plus nauséabondes, le danger que représentent les CES de type Pailleron que la déconstruction de Pierre Mendès France ne rendra pourtant pas moins inflammables, un nombre trop faible d’élèves et la sécurité du collège rolivalois. Ces deux derniers points méritent qu’on s’y arrête. « Qui veut noyer son chien dit qu’il a la rage ». PMF n’était pas le seul à connaître de faibles effectifs, mais il était aujourd’hui, cas unique dans le département, entouré de 265 logements en construction. Ajoutons que, depuis des lustres, on sait que de nombreux enfants habitant les communes voisines parcourent à des horaires déments des centaines de kilomètres en car chaque semaine simplement parce que la carte des transports scolaires n’a pas été ré-ajustée depuis la création de la Ville Nouvelle. Autant de solutions pour l’avenir. Quant à l’ordre et la discipline, il n’y avait aucun problème sur ce plan et avec mon équipe nous nous attachons avec assez de volonté à les maintenir pour trouver déplacé qu’un élu d’un territoire où la police nationale éprouve de lourdes difficultés m’en fasse la remarque incongrue. Non tout cela n’est que coquecigrues et billevesées. Cette décision reste irréfléchie, irresponsable, illogique et injuste.

Elle est irréfléchie, parce qu’elle a été décidée, comme l’ont été nombre d’actes du département depuis deux ans, par un homme seul, sans expérience, sans évaluation, sans raison. Pas le moindre débat dans l’hémicycle d’Evreux. Pas le moindre vote de ce Plan Pluriannuel d’investissements. Pas d’autorisation de faire passer le nombre des collèges du département de 53 à 50. Il y a des lois dans ce pays. Quand M. Lecornu se décidera-t-il à les respecter ?

Elle est irresponsable parce qu’elle fait fi d’un réseau d’éducation prioritaire performant (et des crédits qui vont avec), parce que le collège Pierre Mendès-France était la colonne vertébrale d’un groupe d’écoles primaires qui travaillaient en liaison avec lui, parce qu’elle ignore que cet établissement avait été fait premier collège numérique du département, parce qu’elle passe sous silence qu’un collège de ZEP, s’il ne veut pas accumuler 30 élèves par classe ne doit pas atteindre son effectif théorique, parce que elle cache le fait que les équipements collectifs (cour, documentation) des deux collèges où elle veut envoyer les élèves de PMF ne permettront pas de les accueillir, parce qu’elle méprise l’engagement de professeurs qui, au plus près d’élèves venant d’une population souvent en situation de grande pauvreté, font un travail remarquable. Un flou certain entoure ce mauvais coup. Que feront les écoles qui effectuaient un travail de proximité avec le collège Pierre Mendès France ? Où scolarisera-t-on un élève qui ne pourra plus l’être à Alphonse Allais, l’autre collège de la Ville ?

Elle est illogique parce qu’elle créée sur la dalle que l’ANRU avait magnifiquement réhabilitée, au contact de la Gare où se construit le développement immobilier de la Ville, une friche administrative dont nul n’imagine le devenir. Avec un cynisme consommé, le président du Conseil Général propose même que, puisque le Maire de Val-de-Reuil lui avait proposé dans un ultime effort que ce soit sur l’enveloppe du Plan National de Rénovation Urbaine de Nouvelle Génération, le PNRU2, que soit pris le coût de la modernisation de PMF, que l’on ponctionne les crédits nécessaires non pas pour sauvegarder l’établissement, mais pour trouver un autre usage à ses bâtiments évitant ainsi de payer le coût d’une déconstruction qu’il a décidée.

Non, à moins d’un an de deux élections générales, cette décision est tout simplement injuste. C’est un mauvais coup porté à la Ville la plus pauvre du département. On renoue avec la vieille politique de droite prônée par le prédécesseur de Monsieur Lecornu, Monsieur Collard, qui, pour quelques mètres ridicules, préféra construire le troisième collège de Val-de-Reuil au Vaudreuil. Demain, ce qui est proposé, c’est que le collège de l’exclusion et des classes populaires soit à Val-de-Reuil, au collège Alphonse Allais transformé en ghetto, et que celui de la réussite et des milieux favorisés soit au Vaudreuil, au collège Michel de Montaigne où les Rolivalois sont déjà en majorité, mais qui n’est pas classé en ZEP. C’est n’avoir aucune idée de ce qu’est l’aménagement d’un territoire et comment on peut remédier par le service public à ses inégalités. C’est n’avoir qu’une vision étroitement comptable de l’école et ne pas comprendre qu’elle est un outil de promotion pour ceux qui n’ont pas connu l’aisance par la naissance ou un héritage. C’est ne rien comprendre aux difficultés urbaines. C’est agir en gribouille et penser en oiselet.

 

Parce que nous croyons en la nécessité d’une école forte et vivante, avec les professeurs, avec les parents d’élèves, avec tous les rolivalois, nous refusons cette mesure arbitraire et nous nous opposerons par tous les moyens à la fermeture du collège Pierre Mendès France.

 

Communiqué de Marc-Antoine JAMET

Maire de Val-de-Reuil, Conseiller régional de Normandie

 

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