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17 SEPT 2016

Avec Audrey Azoulay, Ministre de la Culture et de la Communication, nous remettions jeudi dernier le Prix AMO à la Fondation Louis Vuitton

Discours de M. Marc-Antoine JAMET

Maire de Val-de-Reuil, Secrétaire Général et Directeur Immobilier du Groupe LVMH

Remise du Prix AMO à la Fondation Louis Vuitton

15 septembre 2016 – 18h30

 

Madame la Ministre, chère Audrey Azoulay, vous avez eu raison d’extraire d’un agenda très chargé quelques minutes pour les partager avec nous. D’abord parce que ce bâtiment ne vous est pas tout à fait étranger. Vos pas ont dû vous y conduire presque naturellement. Si vous n’étiez pas présente lors de la conception de ce bébé de verre et d’acier en 2006, vous avez rejoint l’équipe obstétrique qui s’est chargée, côté maternité de l’Elysée, de son accouchement en 2014.

Deuxième raison qui plaidait en faveur de votre présence, cette cérémonie ne peut pas être plus ennuyeuse que les « victoires de la musique », plus interminable que les « césars » et, pour le moment, la perspective que l’un d’entre nous, comme aux « Molières», se dévêtisse pour que vous preniez conscience de visu d’une revendication catégorielle, sociale ou fiscale, semble assez faible. Je parle cependant pour moi et ne m’engagerai pas pour les autres, car nous ne sommes qu’au début de l’exercice qui nous rassemble sous les toiles de couleurs de l’américain Elworth Kelly.

Tout juste pourra-t-on vous reprocher de ne pas avoir joué le jeu en omettant de respecter les règles fondamentales de notre association puisque vous êtes venue ici, en tant que maître d’ouvrage de la rue de Valois, sans votre architecte, celui du Palais Royal. Victor Louis, il est vrai, est mort un 2 juillet 1800 ce qui relativise ma critique et la ferait presque relever d’une fronde anti-gouvernementale inhabituelle dans notre pays et inconnue de sa majorité politique.

Quoi qu’il en soit votre place est évidemment à nos côtés, car il n’est pas que le spectacle qui soit vivant. Le patrimoine l’est tout autant et, outre celui qu’il faut entretenir et conserver, existe naturellement celui qui est en train de se créer sous nos yeux, celui qui deviendra classique, celui qui sera le paysage de l’avenir et dont les acteurs sont devant vous. Pour redevenir parfaitement sérieux, ce qui est le genre de beauté habituel du secrétaire général de LVMH, je sais qu’en matière de modernité, de discernement et d’écoute, vous ne vous en laissez pas compter et que c’est une chance, pas seulement ce soir, que de vous voir occuper avec simplicité, clarté, dynamisme et détermination le bureau de Jack Lang et d’André Malraux.

Je voudrais également saluer les nombreux architectes qui ont tenté, ce soir, de prendre place dans une salle dont j’ai pourtant prévenu notre président qu’elle comptait infiniment moins de sièges qu’il n’avait d’amis, de parents ou d’obligés à inviter. Heureusement, ce bâtiment est « un nuage posé sur l’eau », « a cloud on the water » et nous devrions éviter tous ensemble l’incendie, ce qui nous fera échapper lui et moi au centre de détention. A la moitié d’un propos, pour ne pas endormir l’auditoire fatigué, il faut se fendre d’une confidence. La profession d’architecte est celle que j’aurais voulu exercer si j’avais eu de l’imagination, du courage et du talent. Hélas !

J’avoue que ce regret ne m’a pas empêché pour autant de signer la pétition internet exigeant que les maîtres d’œuvre coupables d’avoir édifié un bâtiment hideux soient fusillés à ses pieds ou condamnés à y habiter. Ne le prenez pas mal, d’abord parce que cela ne concerne aucun de vous et ensuite parce que c’est ce que je disais régulièrement à un homme que j’admirais et respectais, qui est mort dernièrement et dont je m’étais juré de citer le nom devant cette assemblée, à Gérard Thurnauer un des fondateurs de l’atelier de Montrouge qui a construit la plus jeune commune de France, Ville nouvelle dont je suis le Maire, Val-de-Reuil. J’en profite pour tous vous inviter à y venir et à construire après qu’une centaine de vos confrères l’a fait, Manuelle Gautrand, la dernière en date, pour un somptueux immeuble vert financé par Nexity.

Enfin, puisque AMO ne signifie définitivement pas autisme, mépris et outrages, je voudrais saluer tous ceux qui, du côté de la maîtrise d’ouvrage prenne le risque d’un dialogue avec un architecte, c’est à dire avec un homme ou une femme, avec ses forces et ses faiblesses, qui, pour abriter leurs activités d’utilisateur, de promoteur ou d’investisseur, donne un volume, une couleur, un profil à leurs rêves, apporte ses idées et offre sa sensibilité, son savoir-faire et sa compétence. Sans eux, nos villes et nos vies seraient d’une grande laideur, d’une grande monotonie.

De ce point de vue, la Fondation Louis Vuitton est un joli résumé de nos préoccupations. Elle abritait, hier, au même endroit et à la même heure un couple extraordinaire : Franck Gehry et Daniel Buren. Mais c’est à un autre duo que je voudrais rendre hommage. La Fondation Louis Vuitton, ces 2584 panneaux de verre, ces 19 000 feuilles blanches de Ductal, ces trente brevets exclusifs, son auditorium en Corian, n’existeraient pas en effet sans la volonté visionnaire de Bernard Arnault, sans le génie créateur de Franck Gehry, mais surtout sans l’alliance de leurs deux intelligences, sans la confiance mutuelle qu’ils se sont faites sans rien laisser au hasard, ni s’enfermer dans un cahier des charges, en devenant complémentaires et non rivaux, l’un le mécène polytechnicien, l’autre l’artiste californien, accompagnés de la vigilance et entourés de la bienveillance de mes amis Bertrand Delanoë et Renaud Donnedieu de Vabres, puis de Frédéric Mitterrand.

Je pourrais multiplier les exemples de cette libre association entre un manager et un créateur, dualité sur laquelle repose le succès des maisons du Groupe LVMH. Elle se retrouve dans la plupart de nos réalisations architecturales et puisque je suis le directeur immobilier de ce groupe, je voudrais en citer trois exemples. Je pense à La Samaritaine qui a vu autrefois s’établir le partenariat des Cognacq-Jay avec Frantz Jourdain et Henri Sauvage et qui, devenu monument historique, se poursuit aujourd’hui par celui qui nous unit à l’agence japonaise Sanaa et à Edouard François. Je pense aussi à la manière que nous avons eu de construire notre siège Avenue Montaigne avec la complicité de Jean-Jacques Ory et de Jean-Michel Wilmotte. Je pense enfin à la concession future du Jardin d’Acclimatation, derrière ces vitres, que Napoléon III, l’Impératrice Eugénie et Hausmann n’auraient pu réaliser sans Alphand, Davioud, Barillet-Deschamps et que, à la demande d’Anne Hidalgo et de Bernard Arnault, nous allons refaire de fond en comble avec Jean-François Bodin, Jim Cowey, Philippe Deliau, Didier Balland et Arnaud Delloye pour que les gamins de Paris puissent encore longtemps se souvenir du « Petit Train » et de « Rivière Enchantée ».

C’est pourquoi j’ai été heureux que l’on me propose la présidence de ce jury dont j’avais déjà été membre sous l’empire du Préfet Jean-Pierre Duport. En célébrant les noces du Maître d’Ouvrage et de l’Architecte, le Prix AMO veut rendre hommage à des réalisations à la fois belles et utiles, les rendre visibles au-delà de leur territoire et de la communauté qui en bénéficie directement au quotidien. J’ai été heureux de ces journées où, avec Madame la directrice de l’architecture, architectes, fonctionnaires, journalistes, entrepreneurs (je songe à mon collègue de la Cour des comptes Michel Clair), nous avons séparé le bon grain de l’ivraie. Le choix était difficile. La moisson de talents de l’édition 2016 du Prix est en effet exceptionnelle et, s’il y a un palmarès, il comporte sa part d’arbitraire tant laboratoires scientifiques marseillais, résidences solidaires d’Emmaüs, habitat participatif lyonnais, logement social du marais, centrale à béton du périphérique, immeubles malouins, sièges d’entreprises dans le Sud-Ouest ou en banlieue parisienne, tours nantaises, bref tout ce que nous avons vu, était enthousiasmant, plein d’astuces et d’audaces. Abondance de biens ne nuit pas. Avec nos sponsors, GRDF et Saint-Gobain, nous n’avons finalement qu’une seule envie. Vous faire partager notre émerveillement devant ce qui est cohérent avec la « Stratégie nationale pour l’architecture » portée par votre ministère pour « transformer le quotidien des Français » et « promouvoir, auprès d’eux, la connaissance » de l’architecture avant la première édition des Journées nationales de l’architecture les 14, 15 et 16 octobre prochains. Nous en sommes en quelque sorte le beau préambule. Merci. Bonne soirée. Revenez à la Fondation Louis Vuitton et au Jardin d’Acclimatation.

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