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3 SEPT 2012

Hommage à un homme de bonne volonté : Bernard Huré (8 septembre 1938 – 31 août 2012)

Madame et vous tous qui êtes dans la peine, la douleur et le chagrin, l’église vient d’accueillir Bernard Huré comme l’un des siens. Le Père Jean-François Berjonneau, son ami, a prononcé les paroles de réconfort et de consolation dont nous avions besoin et que nous voulions entendre. Parfait Ako, son frère, a rappelé ce qu’étaient l’espérance de l’humanité et le gémissement de la mort.

Mais sa famille voulait aussi que soit rendu un hommage républicain, celui de notre reconnaissance et de notre respect, à l’homme courageux et généreux, à l’homme de bien, qui nous a brusquement quittés. A la demande de son épouse, je prends donc la parole pour lui dire adieu, moi qu’il avait accueilli parmi les premiers en 1999. Cependant, les mots que je vais dire pour lui ne seront pas seulement les miens. Ils sont ceux, collectifs et émus, de notre assemblée réunie autour de son souvenir qui ne s’effacera pas, les mots de la foule de ceux qu’il avait aidés, soutenus, aimés et qui le pleurent. Sylvie, Françoise, Christian, Jacques, Philippe, Parfait, Patrick, Eric, je ferai en sorte que vous puissiez aussi vous exprimer par ma voix.

Bernard Huré, c’était d’abord une silhouette qui n’était pas massive, mais solide, carrée, nette, mélange moderne de Jean Valjean et de Monseigneur Myriel, ce prélat, évêque de Digne qui ouvre le roman de Hugo, irradie la bonté et jamais ne se met en colère ; Il était un rocher sur lequel bien des « misérables », des désespérés, des laissés pour compte de la vie ou de la société, avait pu poser le pied, souffler et repartir pour une existence meilleure ou apaisée.

C’était une voix plus rassurante qu’impressionnante, plus chaleureuse que rocailleuse, venue de Saint Jean-de-Luz, là où il était né le 8 septembre 1938, là où il faisait un pèlerinage chaque année, avec sa mère, une voix qui refusait qu’une situation de pauvreté se transforme en un dossier administratif, technocratique et impersonnel et se battait pour qu’elle reste ce qu’elle est au fond : une injustice, une inégalité, une interrogation béante posée devant notre sens de la solidarité et dont on ne peut détourner les yeux.

C’était un état d’esprit fondé sur l’écoute et la disponibilité, l’échange et le dialogue, l’altruisme et la bienveillance, la sérénité et l’impartialité, cherchant infatigablement par le compromis la résolution des conflits, une intelligence au service des autres plus que de lui-même, faite pour dire la vérité et en éclairer les femmes et les hommes de bonne volonté. Sa disponibilité et l’attention profonde qu’il accordait à son interlocuteur, quand bien même fut il débordé, témoignait qu’il s’intéressait en priorité et avec sincérité aux autres.

Il avait, nous le savons tous, une passion pour sa famille et pour le travail.

Economiste de formation, il avait été nommé, après avoir étudié à Paris et travaillé pour le groupe Promodès, à Caen, secrétaire général de l’établissement public de notre Ville Nouvelle. Son nom est  indissociable de l’histoire de Val-de-Reuil et a rejoint ceux de ces héros des « trente glorieuses », Paul Delouvrier, Gérard Thurnauer, Jean-Paul Lacaze, Jean-Eudes Roulier, Pierre Troude, créateurs, fondateurs, constructeurs de la plus jeune commune de France, ces bâtisseurs dont, aujourd’hui, on mesure mieux la réussite de l’utopie, la pertinence du rêve.

Dans le chaudron sans cesse bouillonnant et déconcertant de l’EPV, particulièrement, Bernard Huré -il a alors la quarantaine- tranche par sa relation aux autres, par son calme, par son comportement jusqu’à sa manière de prendre le temps de bourrer et d’allumer sa pipe qu’il utilise, me le rappelait Philippe Bove, comme un élément de langage, une arme de persuasion, un objet transactionnel dirait les psychanalystes, pour donner du temps au temps et annihiler les pulsions irascibles, un peu comme Monsieur Hulot, sans sa nonchalance, car il était toujours en éveil, mais avec son flegme. Au milieu de la cacophonie des propositions et des projets, dans le brouhaha des sociologues, des psychologues, des architectes, des élus et des financiers, il sonne juste et concret. Il raisonne les puissants et résonne dans le cœur des habitants dont il se préoccupe avant tout du sort, de l’avenir. Dans certaines réunions, il met de l’ordre dans le désordre. Il donne du sens,  du corps et, quand il le peut car l’Etat se désengage, des moyens aux équipes qui l’entourent et qui bourdonnent autour du germe de ville. Cela se sent, cela se sait, cela se voit, cela s’entend et jamais il ne se désintéressera du futur de notre commune. Il nous avait fondés dans la lumière ; il continuait à nous construire dans l’ombre. En cela, il est l’indispensable et l’indissociable complément de Michel Doucet, son alter ego et partageait avec lui d’autres engagements d’autres fraternités…

Il mettait un point d’honneur dans chacune de ses entreprises à ce que le respect des salariés triomphe et que les bénéfices de leur travail leur soient « rendu ». Cette dernière dimension explique sans doute qu’il ait paru à tous parfaitement naturel de retrouver Bernard dans le rôle d’un passeur, d’un facilitateur mettant son réseau, son talent, ses compétences et ses méthodes au service des autres à travers GEMO, le cabinet de Conseil en entreprise pour accompagner des créateurs d’entreprises dans leurs projets, pour emmener vers leur futur des collectivités, qu’il avait créé, comme un signe, un 24 décembre, en 1986, ou bénévolement, avec efficacité, humilité et discrétion, au service d’associations se consacrant à l’entraide, à l’insertion et à la solidarité comme le CRIF où il avait joint, avec Sylvie Cardona-Gil et Françoise Waroquier, le social et l’emploi dans la formation professionnelle, le relais des Horizons avec Claude Sanson, ODS dont il était le président jusqu’à ce jour, qui est désormais orphelin et n’aurait pas existé sans lui comme le savent ses disciples Patrick Huon et Eric Hebert, Solidaires dont il se préoccupait de l’avenir plus que du sien encore au début de son dernier été pour que se poursuive cette œuvre de réinsertion par le maraîchage biologique dont il avait un précurseur, tant d’autres qu’il avait porté sur les fonds baptismaux, car, à 74 ans, il était encore sur le pont, à son bureau, peu avare d’un temps qui lui était pourtant compté, prêt à imaginer, ignorant la retraite pour peu qu’un beau combat l’appelle.

J’ai dit le mot combat, car il était engagé politiquement bien sûr et le sort des urnes dans la commune où il avait élu domicile ne lui était pas indifférent. Toutefois, là n’était pas là l’essentiel. Sa conception de la Politique était majuscule et, comme son intégrité, son action se nourrissait, plus que d’une appartenance ou d’une idéologie, d’un questionnement incessant sur la vie, la justice, la croyance… Combien de fois l’avons-nous senti, avec humour et hauteur, davantage encore concerné par les questions plus que par les réponses… L’existence du malheur plus que sa réparation occupait son cerveau.

Enfin et j’allais dire surtout « les Huré », c’est une  famille, une belle famille, presque une tribu. Bernard avait une vraie passion pour ses proches qui le lui rendait bien… De ce fusionnel là, je ne connais pas grand-chose. Rien en tout cas que je me sente en droit de décrire… Nous touchons là à l’intime qui les entourait lui et Marie Jeanne avec qui il partageait sa vie depuis 47 ans. Je le savais simplement grand-père présent auprès de ses petits-enfants dont il parlait souvent et dont il était si fier, père dialoguant, aidant et aimant avec ses enfants, présent quand la vie, comme elle le fait parfois, ne retient pas certains coups, dans une relation infinie de soutien et d’amour pour Emmanuelle, Thierry et Bruno en qui nous le retrouvons.

Pour ses qualités et son amitié, nous aimions Bernard Huré. Mais, si celui que nous saluons ici était un être humain, comme nous tous, à la différence de beaucoup, il était un humain qui mettait le bonheur de ses sœurs et de ses frères au centre de sa réflexion et de son action. Ne l’oublions pas et, en lui donnant ainsi sa part d’éternité, efforçons-nous de vivre à son image.

 

 

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