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29 MAI 2017

Aire de grand passage : l’Agglomération Seine-Eure doit assumer ses responsabilités

Un aphorisme politique, venu de la nuit des temps, prétend qu’on ne peut en vouloir à un régime de gouverner mal quand il gouverne peu. Cette réflexion de comptoir n’est pas d’une grande puissance. Elle n’est pourtant pas parvenue jusqu’au cortex supérieur de l’agglomération Seine-Eure. En effet, celle-ci, continuant superbement d’ignorer la mesure et la retenue à laquelle son irresponsabilité électorale devrait l’obliger, reproduisant allègrement le contresens démocratique qui vaut à la Commission Européenne son impopularité persistante, entend, chaque jour davantage, régir peu près tout ce qui passe à sa portée. C’est le défaut de toutes les technocraties.

 

Il est des exceptions à cette règle. En effet, placée manifestement, car peu prestigieuse et peu lucrative, au dernier rang des compétences, toujours plus abondantes, que l’Agglomération Seine-Eure se plaît à accumuler – à défaut de les exercer – l’accueil des « gens du voyage », comme le branchement des lampadaires de la Gare de Val-de-Reuil, ne paraît pas passionner l’intercommunalité. Elle avait pourtant tenu à en prendre s la responsabilité au début des années 2000, responsabilité confirmée la loi « NOTRE » le 1er janvier dernier. Qu’importe !

 

Certes, voici une dizaine d’années, quelques « aires » ont bien été installées ici ou là, à Val-de-Reuil, à Pinterville, à Acquigny, pour accueillir de petites communautés locales pratiquement sédentarisée Mais ce n’était traiter qu’un dixième du sujet. Depuis rien de plus n’a été fait alors que l’agglomération devrait équiper et gérer des espaces permanents dédiés à ce qu’on appelle les «  grands passages », ces rassemblements de 100, 200, 300 ou plus caravanes qui, l’été arrivant, se déplacent de commune en commune de l’Ile-de-France vers la Seine-Maritime et le Calvados. On ne peut pas réellement dire que ce phénomène soit inconnu ou inattendu : il a toujours existé… Il n’empêche. Faute d’investissements, d’aménagements pourtant simples et relevant davantage de la décence que de l’excès de dépense, les campements sauvages prolifèrent à nouveau sur notre territoire au grand désespoir des villes ou villages impactés ainsi que des riverains habitant à proximité.

 

Cette situation est scandaleuse. Le schéma départemental d’accueil des gens du voyage, adopté en 2012 sous l’égide du Préfet de l’Eure, suivant l’avis et les recommandations formulés par les représentants des associations de personnes itinérantes, les EPCI et communes concernés, avait expressément prévu la création de deux aires de grand passage supplémentaires dans notre département dont une sur le territoire de la petite trentaine de municipalités que rassemblait alors Seine-Eure. Naturellement c’était à Val-de-Reuil qu’elle fût localisée par les hiérarques intercommunaux de l’époque, les mêmes que ceux qui déménageaient le siège de l’agglomération à Louviers, comme si la Ville Nouvelle n’avait pas assez de difficultés à recevoir les personnes handicapées, les parents âgés, les adultes sans ressources et les familles monoparentales de ses voisins dans son parc locatif social. Pourquoi pas, la solidarité ne se rationne pas.

 

J’ai donc au prix d’un travail long et compliqué fait, moi-même, une trentaine de propositions d’emplacements qui recueillaient l’assentiment des publics concernés. Après d’interminables discussions, un lieu a été identifié et sélectionné, sur la Haute-Crémonville, là où devait initialement être implanté un héliport, aujourd’hui abandonné. Il présente l’avantage de n’occasionner ni gêne ni trouble majeur pour les riverains dont les premières habitations se trouvent à plusieurs centaines de mètres de l’emplacement. Trois aménagements, (eau courante, raccordement électrique, fauchage régulier) étaient requis pour que cette aire de grand passage fonctionne. On est bien loin des budgets auxquels l’Agglomération consent pour construire des patinoires, des centres d’art ou des halles de marché au Vaudreuil ou à Louviers. Cinq années ont passé et le site ne peut toujours pas fonctionner, faute d’une alimentation électrique que l’intercommunalité se refuse à installer.

 

A l’occasion d’une réunion de concertation qui s’est tenue il y a quelques semaines en Préfecture, les services de l’Etat ont rappelé aux collectivités compétentes en matière d’accueil des gens du voyage leurs obligations. L’Agglomération Seine-Eure, malgré les relances, les mécontentements, l’exaspération nés d’une situation qui n’a que trop duré, a une nouvelle fois fuit sa responsabilité, prétextant, la faiblesse de ses ressources. La plaisanterie n’a que trop duré.

 

Comme sur bien des sujets, ayant trait aux services publics de proximité rendus à la population, l’Agglomération n’assume pas ses missions et fait supporter aux autres sa gestion hasardeuse des dossiers, son refus d’exercer ses responsabilités, ses curieuses largesses et sa trop grande mollesse. Ce n’est ni supportable ni acceptable. Pour les communes qui se voient progressivement vidées de leurs compétences, mais dont les responsabilités, en termes de sécurité, de tranquillité et de salubrité, n’ont pas diminué. Pour les riverains et les habitants résidant à proximité des zones occupées illégalement, qui ont à supporter des dépôts d’ordures improvisés, des branchements électriques artisanaux, l’absence d’évacuation des eaux usées, des parkings sauvages. Pour les « personnes itinérantes », ainsi que l’administration baptisent les gens du voyage, dont les droits ne sont pas respectés.

 

C’est ainsi qu’un campement de près de deux cents caravanes, campement parfaitement illégal, s’est installé voici une semaine à Val-de-Reuil, d’abord au Parc Sud, en limite du Vaudreuil, puis sur la Plaine de Jeux, en bordure de Léry, ou sur Pharmaparc II en proximité de nos start-ups, non loin de Louviers. Les habitants de ces trois communes, les responsables des entreprises, comme en chaque circonstance similaire, n’ont pas manqué de m’adresser reproches, protestations et récriminations, dénonçant mon laxisme, alors que mes trois collègues, investis de hautes responsabilités dans la bureaucratie Seine-Eure, n’ont pas levé le petit doigt. J’ai donc, de mon côté, immédiatement interpellé la Préfecture et la Procureure de la République afin qu’une procédure d’exclusion puisse être enclenchée. La Ville de Val-de-Reuil, par la voie d’un référé transmis par huissier, a signifié cette démarche aux intéressés. J’ai rencontré les responsables du camp, car à chaque fois je n’hésite pas à provoquer, sans m’entourer pour cela d’une cohorte de grades du corps, la discussion avec les contrevenants. Je leur ai dit, avec la plus grande fermeté, ma volonté qu’ils s’en aillent. Nous avons reçu dans ce processus l’aide constante de la police nationale et de son commandant. Nous pallions donc aujourd’hui à l’inefficacité et aux absences répétées de l’Agglomération, seule responsable des perturbations que doivent subir nos concitoyens.

 

L’Agglomération, adepte de politiques à géométrie variable selon qu’elles bénéficient telle ou telle population, se cherchait un nouveau slogan pour ses 20 ans. Il semble qu’elle l’ait trouvé : « compétente pour tout, mais responsable de rien ». L’Agglomération, dont la principale mission ne devrait pas de gérer au quotidien nos territoires, de faire à la place des communes ce qu’elles savent faire lieux, plus vite et à moins cher, d’incarner à distance le régalien, mais d’organiser synergies, mutualisations, équilibres, se montre une nouvelle fois défaillante. Par son incapacité à agir, elle entretient le trouble et la confusion sur les responsabilités propres à chaque niveau de collectivité. Par sa négligence et son défaut de compétence, elle déstabilise les communes alors qu’elle devrait être là pour les épauler.

Communiqué de Marc-Antoine JAMET,

Maire de Val-de-Reuil

Président de la Commission des finances de la Région Normandie

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