ACCUEIL | AGENDA | REVUE DE PRESSE | EQUIPE | CONTACT | MIEUX ME CONNAITRE | PHOTOS

13 NOV 2016

Allocution du 11 novembre – Discours prononcé au Monument Mémoire et Paix. Plus nombreux chaque année, plus de 200 rolivalois s’y étaient rassemblés vendredi dernier.

Cher(e)s ami(e)s,

Le cycle de la vie nationale et municipale nous réunit, de nouveau, autour de ce monument à la mémoire et à la paix. Au fil de l’année, nous nous y retrouvons régulièrement. Mais il est deux temps forts sur cet agenda tricolore : la fête nationale et l’anniversaire de l’armistice signé dans un wagon à Rethondes pour mettre fin à la première guerre mondiale. Le 14 juillet est une apothéose, celle de la République, et le 11 novembre est une commémoration, celle du sacrifice de ceux qui sont morts pour la France et, pour nous désormais, de tous ceux qui ont donné leur vie pour la paix et l’humanité.

La première de des journées nous réunit l’été sous un ciel généralement bleu que viennent traverser les nuages des congés qui arrivent. La seconde se déroule au cœur de l’automne par un temps maussade, incertain, souvent pluvieux. Une alternance de gaité et de tristesse, comme si les éléments comprenaient ce qui nous rassemble. Vous êtes ici, de plus en plus nombreux et j’en suis très heureux, à participer fidèlement à chacun de ces rendez-vous patriotiques. Vous avez raison. Nos cérémonies sont comme nos idéaux. Ils nous dépassent. Il faut y être attachés vertueusement, radicalement, viscéralement par nos convictions et ne pas y assister mus par telle ou telle ambition, en fonction de telle ou telle situation, élective par exemple, ou selon telle ou telle opinion. Il faut en être qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il fasse beau. « La Révolution est un bloc » disait Clemenceau. La République aussi ! De ce point de vue, il est, les années passant, des absences institutionnelles ou politiques qui, parce que répétées, deviennent de plus en plus incompréhensibles et impardonnables.

Bien sûr, il ne faut pas oublier la signification première de cette cérémonie. C’est l’occasion en portant un bleuet au revers d’un vêtement de se souvenir, même fugitivement, des millions de victimes, civiles et militaires, des guerres du XXème siècle, guerres mondiales ou coloniales, des batailles de la Somme et de Verdun, dont nous vivons le centenaire, des drames d’Auschwitz et du courage d’Omaha Beach, des massacres de Sétif et d’Oran, des combats de Bizerte ou de Dien Bien Phu. Ces femmes et ces hommes, ces vieillards, ces enfants sacrifiés, ne sont pas si loin. Vainqueurs ou vaincus, issus de tous les camps, quel que soit leur uniforme, ce sont nos parents et nos grands-parents, nos frères humains. Ils méritent notre temps, cette heure brève, qui, ce matin, nous rassemble. L’oubli est une seconde mort.

C’est pourquoi, je suis heureux de voir autant de visages familiers et de visages nouveaux, de représentants de corps constitués, police municipale, pompiers du département, police nationale, gendarmes, ingénieurs de l’armement du bassin d’essai des carènes, détachement de l’EPIDE et cadres du centre de détention, autant de services de l’Etat que je salue, d’élus de la municipalité, même si on peut regretter, ainsi qu’à l’habitude, de ne pas y voir dissidents et opposants, d’enfants de nos écoles et de nos collèges, de nos centres de loisirs – ils nous diront un mot qu’ils ont composé ou appris, avant que la chorale du conservatoire municipal du musique et de danse nous propose une Marseillaise à trois voix -, anciens combattants avec, parmi eux, le jeune Valentin, porte-drapeau d’un jour, symbole d’une transmission que l’Histoire exige. Ce rassemblement unit bien le proche et le lointain, l’avenir et le passé, les morts et les vivants.

Parmi eux, deux ombres se sont glissées, deux silhouettes disparues et pourtant familières, deux hommes qui se connaissaient, indissociables de ce monument et présents dans notre mémoire. Ils ont été des collègues et des camarades, des frères et des amis. Ces deux hommes avaient fait la guerre. Vraiment. On leur attribuait des hauts faits que médailles et citations venaient rappeler. Pourtant, ils n’en parlaient jamais. Ils étaient contre la violence. Précisément, parce qu’ils l’avaient rencontrée et, lorsqu’il l’avait fallu, exercée.

Bernard Cancalon nous a quittés brutalement au milieu de l’été. Son travail manque à la ville et son amitié, son soutien et sa loyauté me manquent personnellement. Nous sentons sa présence et elle surgit soudainement quand on ne s’y attend pas. Hier, les dirigeants des nouveaux métiers de la Poste s’étonnaient qu’il ne soit pas, avec notre nouvelle directrice générale des services, Nadia Basso, et moi-même, pour travailler dans mon bureau à ces dossiers de solidarité qui comptaient tant pour lui. Ils ignoraient son décès brutal. Ils en exprimaient involontairement la soudaineté et la cruauté. Un silence a suivi, fait de gêne et de tristesse, et nous l’avons vu un instant se pencher vers nous, comme s’il nous disait de continuer sur son chemin, qu’il était là, que nous faisions ce qu’il souhaitait. Son épouse et plusieurs de ses enfants ont choisi d’assister à cette cérémonie à laquelle Bernard croyait et tenait. Nous les embrassons.

Je voudrais citer maintenant le nom d’Antonio Antonioli. Cet homme de bien, lumineux et généreux, nous a quittés voici dix ans. Il était notre collègue et, lui aussi, ancien militaire, pro patria nostra toujours légionnaire. Il livrait tous les jours des batailles contre la pauvreté et la précarité, des combats pour la ville et ses habitants. Lui aussi avait un caractère qui, au quotidien, réconfortait ceux qui l’approchaient : volontaire, engagé, optimiste, positif et amical. Même malade, même affaibli, il continuait de mettre ce qui lui restait d’énergie, de force, de vie, au service de tous et, si souvent, de son Maire. Dans la force de l’âge, quand tout aurait pu l’amener vers le conservatisme, il défendait les valeurs de l’espoir, de la jeunesse et de l’avenir. Il affichait en toutes circonstances, à l’égard de tous, ces sentiments bienveillants qui complètent, dépassent et transcendent les liens politiques, les rencontres mécaniques et obligatoires, ces sentiments qui transforment, par la gentillese, notre existence et en font oublier les aléas, les tracas, les fracas. Les murs de ce monument se souviennent du chef d’état-major des armées le décorant de la Légion d’Honneur. Au téléphone, dans un premier temps, le Général Bentégeat m’avait dit : « je ne vais quand même pas décorer chaque week-end tous les adjudants de France », puis « je regarde le dossier ». Cinq minutes après, il avait rappelé : « C’est un brave parmi les braves. Je viens. Merci de me permettre de le décorer ». Avec Michèle Combes et sa fille nous lui rendrons hommage sur sa tombe après le moment de convivialité qui nous réunira, comme c’est désormais la tradition qu’il avait fixée, dans quelques instants au Lycée Marc Bloch le bien nommé.

Antonio et Bernard, je le redis, étaient deux soldats qui n’aimaient pas la guerre, mais qui ne voulaient pas qu’on oublie ceux qui, au XXIème siècle, continuaient de la faire. Ils savaient que le contraire de la reconnaissance s’appelle l’ingratitude. Un fait les aurait frappés. Durement. Chaque année, nous imaginons que la liste de ceux auxquels l’honneur importe de rendre hommage va être figée. Chaque année de nouveaux noms viennent s’y ajouter. Je songe, en premier lieu, à celui de Fabien Jacq, cheveux blonds, fier regard, yeux bleus, tombés voici vingt jours, à 28 ans, au Mali, à l’âge où on est encore un fils et on peut être un père. Je pense aux trois engagés des forces spéciales, disparus dans un accident d’hélicoptère en Libye, à ceux, membres de la DGSE, qui, récemment, ont laissé leur vie dans le crash d’un avion à Malte, à ceux, commandos, qui ont été grièvement blessés à Erbil, au Kurdistan, par un drone piégé, à nos gendarmes et à nos policiers qui nous défendent et sont attaqués, blessés, brulés comme en banlieue parisienne le mois dernier. C’est un même front, celui qu’ils tiennent : celui de notre société laïque, démocratique et républicaine face aux menaces intérieures, aux agressions extérieures. Nous sommes le 11 novembre et nous sommes dans un pays dont les armées font la guerre sans que nous y pensions toujours. D’autres se battent pour nous pendant que nous vivons chez nous. Une heure en novembre de compassion et de pensées, ce n’est pas cher payer notre sécurité et notre tranquillité. Nos armées sont notre fierté.

La guerre nous a longtemps paru loin. En Irak, en Syrie, en Lybie. Cependant, elle nous a rattrapés et, autour de nous, il y a des gens comme nous qu’elle a frappé à mort. Les dessinateurs de Charlie, les jeunes du Bataclan et Arnaud Beldon, si terriblement blessé et auquel nous pensons, les familles de Nice, les touristes et les promeneurs du métro de l’aéroport de Bruxelles, ce chef d’entreprise décapité dans l’Isère, un commissaire de police et sa compagne sauvagement assassinés à 40 km d’ici, le prête Hamel poignardé à Saint Etienne à 20 km d’ici. Leur sort a été atroce et ils ont souffert pour nous. Leur sang nous rappelle aussi ce que des peuples endurent. Nous pensons aux centaines de milliers de syriens, – nous avons eu raison d’en ici accueillir 80 -, d’iraniens, de migrants africains dont on connait les meurtriers : le fanatisme et la dictature, mais également la bêtise et la pauvreté.

Face à cela, il n’y a qu’une seule riposte : la démocratie qui n’est pas la démagogie. Cette différence est essentielle et elle le sera plus encore dans les mois qui viennent. Elle nous oblige à rappeler que les véritables fossés qui séparent les français, ce ne sont pas les races, les religions, ni même, peut être, les opinions, dont on nous rebat les oreilles dans les journaux, les discours et les radios. « Détestez vous les uns les autres », cela marche si bien que c’est devenu le programme d’un parti d’extrême droite. Non, les différences fondamentales et objectives qui nous séparent et qu’il faut réduire sont celles qui existent entre hommes et femmes, jeunes et vieux, urbains et ruraux, riches et pauvres. Pour dissiper ces inégalités, il faut faire disparaitre les injustices. Pour cela il n’y a qu’une seule politique. Celle qui s’exerce par le service public, l’école pour tous, l’impôt juste et mérité, par le retour de l’autorité et de la fermeté, par l’honnêteté et l’exemplarité des élus et des fonctionnaires. Ce n’est pas en s’adressant à toutes les minorités, à toutes les communautés, à toutes les individualités, une par une, même avec les meilleurs sentiments du monde, que l’on doit agir, mais en parlant, dans son ensemble, à la Nation qui est malade. Cela veut dire qu’au lendemain de l’élection d’un populiste sans expérience ni compétence à la tête du plus grand pays du monde et à la veille de la victoire au moins au premier tour de l’héritière d’un mouvement fasciste dans notre propre pays, il faut arrêter de faire, comme les élites rejetées, les experts auto-proclamés, comme les bons esprits et les biens pensants, la morale en permanence aux électeurs, mais leur proposer des solutions concrètes. Comme nous le faisons à Val-de-Reuil. Il faut que les plus favorisés ne vivent pas sur une autre planète que les plus précaires. Comme je m’efforce de le faire moi-même. N’en déplaise aux égoïstes et aux jaloux, aux bornés et aux envieux de tout bord. Il faut rappeler que le monde de Trump et de ceux qui l’imiteront sera à la fois dur pour les faibles et doux pour les puissants. Il faut comprendre que nos compatriotes ont besoin de valeurs et de repères : l’éducation, l’emploi, le renouvellement urbain et ce qui fait l’essentiel d’un pays, c’est à dire sa langue, sa culture, parfois ses frontières, toujours son « vivre ensemble ». Il faut aller au global par le local, vers l’humanité par la proximité, à l’union par la mobilisation et la participation, c’est à dire par l’inscription sur les listes électorales. Sans cela, l’émotion l’emportera sur la raison. Jamais deux sans trois, après le Brexit, le Trumpxit, il y aura le LePenxit. Attention, les répliques seront encore plus violentes que la première secousse.

La cohésion nationale, l’égalité des chances et la justice sociale, seules, nous permettront d’éviter ce désastre. Leur ardente obligation nous ramène à cette cérémonie et à notre pays que nous aimons.

Vive Val-de-Reuil, vive la République et vive la France !

© 2011 Marc-Antoine Jamet , Tous droits réservés / Wordpress