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15 JUIL 2013

« Pour le droit de vote des étrangers » (Paris Normandie, Tribunes & Opinions, 15 juillet 2013)

Lire la tribune telle que publiée dans Paris Normandie en cliquant ici.

Le droit de vote des étrangers non communautaires aux élections locales est depuis 30 ans l’un des piliers démocratiques de chaque programme présidentiel et législatif présenté et porté par la Gauche. Reste qu’il y a toujours eu, jusqu’à présent, une bonne raison de ne pas en poser ses fondations. Jadis, une élection que cela nous aurait fait perdre. Naguère, le Sénat de droite qui bloquait. Aujourd’hui, la crainte d’un vote négatif au Congrès qui enterrerait la question pour 20 ans ou bien encore le souhait de ne pas instrumentaliser une mesure de cette importance à dix mois d’un scrutin.

Il ne faut pas en rester à ces réflexes. Aujourd’hui, vis-à-vis de ce droit toujours à conquérir, ne nous laissons pas, ne nous laissons plus surprendre par je ne sais quelle méfiance individuelle, dont j’ose espérer qu’elle n’est le fait d’aucun homme de Gauche, ou collective. 30 années de promesses tenues, de 1991 à 2012 en passant par 1988 et 1997, ne peuvent aboutir à l’oubli de celle-ci. Il faut aujourd’hui mettre fin à cette valse hésitation.

La loi sur le mariage pour tous est une leçon. Aussitôt promise, aussitôt instaurée. Sans jeu de mots, un modèle du genre. En politique, avancer, aller de l’avant, tracer son chemin quoi qu’il en soit est une méthode, une condition, un credo. Ce n’est pas du pragmatisme, qui est la fin des idées. C’est de la confiance et de la détermination. En nos idées. En nos valeurs. En nos couleurs.

Souvent il y a des doutes, des incertitudes à dépasser. La politique la plus belle est celle qui, par des actes de courage voire de transgression, débloque les situations, générales ou personnelles. Créer les conventions ZEP pour l’entrée à Sciences Po n’est pas et ne fait pas l’égalité républicaine des chances ? Certes, mais cela y contribue en permettant d’accélérer l’ascension éducative et sociale de jeunes, donc de familles entières, trop longtemps défavorisés. Accroître le nombre de cours donnés en anglais dans les écoles supérieures est une menace pour la langue française ? Pas sûr et c’est un atout pour l’insertion professionnelle et la réussite de nos étudiants. Installer dans les communes la vidéo-vigilance calmerait les symptômes de l’insécurité, mais ne serait pas une solution pour la faire disparaître ? Discutable, puisque cela permet des résultats pour lutter contre la délinquance qui par ailleurs nourrit le Front national. Les lois sur la parité sont contraires à la définition première du « citoyen » qui n’est, par essence, ni homme, ni femme, mais un être doué d’une capacité de réflexion, de droits et de devoirs ? Evidemment, mais sans ces avancées législatives nous ne connaitrions pas la parité depuis plusieurs années dans les conseils municipaux et régionaux, depuis un an au Gouvernement, demain dans les assemblées départementales. Le droit de vote des étrangers non communautaires aux élections locales serait une négation de la citoyenneté et de la nationalité ? Il est, au contraire, parce que sa non-application chronique a engendré déceptions, frustrations et colères, le tremplin vers une nouvelle cohésion, un pas supplémentaire en direction de la République, un accélérateur espéré et attendu d’intégration.

Il faut dès lors franchir d’autres hésitations, celles du calendrier, celles de l’urgence, celles du tempo. Face aux difficultés, la meilleure défense est l’attaque. Le Président de la République a annoncé un calendrier. Un texte sera déposé au lendemain des élections municipales de 2014. La promesse sera tenue. Mais pourquoi les militants attendraient-ils le printemps ou l’automne 2014 pour mener politiquement ce combat ? L’exécutif est vigilant parce qu’il doit rassembler, au Congrès, une majorité qui à ce jour ne lui est pas acquise. C’est à nous, partisans de cette mesure, d’aller de l’avant. La majorité ne basculera pas si l’on oublie de faire campagne. Ce sera dur. Ce sera long. Ce sera incertain. Mais ce n’est pas en se taisant qu’on créera les conditions d’un changement, qu’on contribuera, pas à pas, à faire bouger les positions, les lignes, les équilibres. Lincoln a été un succès de cinéma. Très bien. Le personnage réel doit inspirer au-delà des cinéastes. Il ne s’agit pas de corrompre. Il s’agit de convaincre, un par un s’il le faut, les parlementaires qui n’ont pas encore fait notre choix d’abolir une injustice, entre deux contribuables, deux parents d’élèves, deux bénévoles d’association qui, dans communes, ont l’un, notre passeport, l’autre pas. Une frontière sur un même territoire entre deux personnes qui acceptent les mêmes devoirs, s’appelle de la ségrégation.

Allez voir, dans l’Eure, les parlementaires de Droite, ceux qui se disent « modernes » et ceux qui se revendiquent « durs ». Mais n’en pensez pas moins. Dîtes leur que ce qu’ils appellent une atteinte à la souveraineté nationale est en réalité une atteinte à la dignité, un manque de respect daté, une inégalité caractérisée. Dites leur que les étrangers payant des impôts locaux n’ont pas le droit, principe démocratique pourtant premier, de désigner ceux qui vont les administrer, de choisir un exécutif qui propose de s’endetter ou un autre qui propose de se désendetter, celui qui donne la priorité à l’école, à la culture, au sport et celui qui leur est indifférent. Ce n’est pas défendable. Ce n’est plus supportable. Les premiers opposants au suffrage universel dans l’Histoire de la République ont tous changé d’avis, car l’Histoire leur a montré qu’ils se sont trompés. Les Républicains, méfiants lorsqu’il s’est agi d’étendre le vote aux femmes, craignant l’influence de l’Eglise, se sont trompés. Ils ont changé d’avis. Les opposants à la séparation des églises et de l’Etat ont eu tort de penser que cela défigurerait la France. Ils ont aujourd’hui changé d’avis. Les opposants contemporains au mariage pour tous sont ceux qui ne reviendront pas sur la législation demain, dont, peut-être, leurs enfants et petits-enfants profiteront. Le sens de l’Histoire est là.

Le droit de vote des étrangers, ce serait réconcilier beaucoup de personnes, pour longtemps, avec la Gauche. Le droit de vote des étrangers, ce serait réconcilier beaucoup de résidents avec la République. Le droit de vote des étrangers, ce serait créer un souffle nouveau, rassembleur, pour la Nation. Nous le devons à tous ceux à qui nous l’avons promis. Nous le devons à tous ceux qui, avec nous, en ont rêvé. Nous le devons à tous ceux qui ont toujours aimé que la France soit en avant.

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