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25 MAR 2013

Décès de Pierre Vittori, ancien conseiller général de Breteuil-sur-Iton, ancien Maire de Bémécourt, membre de la section du parti socialiste d’Avre-Iton

Pierre Vittori, c’était d’abord un sourire généreux. Un sourire et aussi un œil qui brillait. Malicieux, ironique, bienveillant, paternel. C’était selon. Selon les interlocuteurs d’ailleurs davantage qu’en fonction de ses humeurs qui semblaient assez constantes. Bien qu’il soit du « nord », nous avions parlé de Sartène et des Ventura, les grand-parents de mon père. A l’origine de toute famille, il y a, là-bas, un berger. La mythologie commune avait joué son rôle : rapprocher. Il m’avait un jour pris à part pour me raconter son arrivée dans l’Eure voici plusieurs dizaines d’années. C’était un bon conteur. Il résumait l’histoire en quelques mots.

De sa Corse natale, il était venu sur le continent. Les emplois étant rares dans l’ile, comme nombre de ses pairs, il avait choisi pour faire carrière l’éloignement et la fonction publique. Quitte à se lier par un métier à l’Etat, ce serait l’éducation des enfants. Les hasards des affectations au sortir de l’école normale d’instituteurs l’avaient conduit en Normandie. Avec sa femme, il s’était enraciné dans la région. L’une, qu’il avait épousée, avait contribué à lui faire aimer l’autre où il était resté. Mais la retraite arrivée et l’âge venant, l’appel du sud avait retenti. Au service public et à la vie politique, il avait beaucoup donné et notre ciel tantôt bleu, tantôt pluvieux, n’avait jamais remplacé l’azur de la Méditerranée. Il s’était dévoué pour l’Eure et ses habitants, avec passion, avec sincérité, sans la moindre retenue. Mais l’odeur du maquis lui manquait. Plus que tout sa fille et sa petite fille Mathilde l’y attendaient. Ainsi sa vie n’avait-elle jamais cessé d’être belle. C’est donc avec beaucoup de tristesse que j’ai appris, comme ses camarades de la fédération et ses collègues du Conseil Général, le décès de Pierre Vittori, jeune homme qui nous a quittés à l’âge de 80 ans.

Né en 1933, Pierre Vittori avait traversé son siècle en en connaissant les conflits et les espoirs, en luttant contre la misère et en prêchant la solidarité. Son père était militaire. Il avait donc grandi en Indochine. Cette enfance renforça son sens de l’engagement et accrût encore l’amour qu’il avait de la Justice sociale. Au grand soleil des colonies, il ne faisait pas toujours bon vivre. L’Histoire de France ne s’écrivait pas pour tous. Parce qu’il voulait le pain, la paix, le progrès, il adhéra dès son retour en métropole à la SFIO, celle des années 50 avec ses ombres, qu’il connaissait, et ses lumières, qu’il défendait. Le Traité de Rome, la troisième semaine de congés payés, la sauvegarde de la République en 1958, tout était action, bataille, militantisme.

Fidèle au parti socialiste pendant plus d’un demi-siècle, Pierre Vittori, « le gars Pierre » comme l’appelaient ses amis en Normandie, s’est confondu avec ses convictions politiques. De cette langue chantée qui était demeurée la sienne et tranchait avec les intonations locales, d’une conversation paisible et lente, il accueillait et rassurait les nouveaux élus du département. Notre ami José Haas, en partageant certains souvenirs, m’a également prêté ses sensations et ses mots. C’était un homme dont on ouvre la porte de la maison sans sonner, sans frapper. Il pouvait dîner d’une tranche de jambon et d’un fromage blanc. Nul n’avait besoin de formule magique pour rentrer dans le cercle. Courtoisie et politesse suffisaient. C’est ainsi qu’il l’avait accueilli, jeune élu du sud du département, comme tant d’autres avant et après lui.

Eurois d’adoption, Pierre Vittori avait trouvé son fief dans un canton qui n’était pas facile. Après avoir fait les campagnes de Georges Schiffmacher de 1967 à 1985, il lui succéda en tant que conseiller général de Breteuil-sur-Iton pour trois mandats de 1985 à 2004. Parce qu’il était doté d’une volonté peu commune, parce qu’il disait les choses avec simplicité, parce qu’en tant qu’ancien secrétaire de mairie à Brémécourt il connaissait sa commune comme personne, il avait reçu par quatre fois le suffrage des électeurs de la commune. Président du SIVOM, il sut le faire entrer dans le XXIème en le transformant en Communauté de communes. Quand, avec son ami Poletti, ils siégeaient à Evreux, on ne savait plus trop si les normands avaient envahi Palerme, Ajaccio, Cagliari ou l’inverse. En Haute-Normandie, c’était un élu qui comptait. C’était un camarade que l’on écoutait.

Il avait coutume de dire qu’il y a deux sortes de Corses : celui qui vit sur l’île et celui qui y retourne sans cesse. A l’ombre de la châtaigneraie, il a été inhumé dans son village de Porri, près de Bastia. Au nom des militants de l’Eure du parti socialiste, je tiens à adresser l’expression de mes sincères condoléances et ma tristesse personnelle à son épouse, Marie-Dominique, à sa famille et à ses proches.

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