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9 MAR 2013

Hommage à Philippe Méoule

Chers amis,  Martine tenait à ce que je dise quelques mots personnels à la fin de cette célébration. C’est un honneur et un devoir. Je m’y prête avec tristesse. Je lui obéis avec émotion. J’y ajoute également ce plaisir étrange, presque indécent, de rester -pour elle- avec Philippe un peu plus longtemps. Mais je ne voulais pas, pour évoquer sa mémoire, brosser de lui un portrait académique et figé, ni réduire à quelques instants que ce fut la surprenante diversité de sa vie. Le temps n’est pas venu de lui consacrer une stricte nécrologie. Ce serait absurde. Ce serait déplacé. Laissons cela aux rubriques des quotidiens qui paraîtront demain. Nous ne l’avons pas encore porté en terre. Son corps est au milieu de nous. Dans cette nef qui est le plus beau des caveaux. Est-il seulement parti ? N’est-ce pas, après tout, lui qui nous convie par delà la mort nous vivants qui ne nous connaissons pas ?Alors suivons ses volontés ultimes. Dans de pareilles circonstances, il aurait laissé « la légende dorée » à Saint-Protais et à Saint-Gervais, les patrons, jumeaux et martyrs, de cette collégiale inachevée. C’est dans cet asile de pierres et de vitraux que ses très nombreux amis, ses très nombreux collègues, la plupart des élus avec lesquels il a travaillé et dont la présence est une dette d’honneur qu’il leur fallait moralement et affectueusement acquitter, sont venus ce matin proche du printemps pour se rassembler et entourer sa famille désormais désemparée.

Pour évoquer ce temps qui passe, qui est passé, que nous avons passé ensemble, ces moments où, comme Philippe Bove ou Jean-Jacques Coquelet, je me rappelle avoir vu Philippe Méoule oscillant du rire au coup de gueule et du coup de gueule au rire, j’ai voulu convoquer en désordre quelques notes, quelques images, quelques souvenirs…

Philippe était un homme indigné et serein, explosif et calme. En apparence décontracté, mais au fond de lui très certainement anxieux. C’était un faux dilettante et un vrai professionnel. Il ne fallait pas beaucoup creuser pour trouver sous son épiderme, à vif, cette dualité, richesse et faiblesse à la fois. Elle faisait sa personnalité et ce qu’elle avait de singulière, de déroutante et d’attachante. Il avait cette politesse et cette délicatesse, cette intelligence et cette élégance de ne pas charger les autres de ses propres soucis, de ses préoccupations et, dans ces derniers mois, de ses souffrances. C’est ainsi que nous l’avions vu, il y a seulement six semaines, aux voeux des agents de Val-de-Reuil, fatigué, atteint et très malade, mais venu lui même prendre congé de ses collègues, sans attendre qu’ils viennent saluer son cercueil. Il prenait les devants car il présageait manifestement ce qui allait advenir bien que la peur n’ait pas envahi son visage. De cette cérémonie des adieux, il avait voulu être l’initiateur afin de voler ainsi sa sortie à la mort injuste et cruelle qui l’entraînait à 55 ans seulement : la moitié de la vie d’un centenaire, un âge où personne ne se voit vieux, un terme si évidemment prématuré. Pour faire face à la camarde, il s’était forgé un courage peu commun. Il est pour cela, me dit-on, parti paisiblement. Mais il s’était muni de ses armes préférées : la dignité, la distance, l’humour. Le sien pouvait être féroce. Il ne plaisantait pas toujours à fleurets mouchetés, mais il alliait à cette sauvagerie du rire, de la tendresse, de la générosité et l’écoute des autres. C’était sa marque de fabrique et le secret de son immense popularité partout où il était passé. Chemise blanche et col ouvert, costume gris et écharpe de couleur noué sur sa poitrine, ses lunettes sur le front à la manière de Pierre Lazareff, héritage d’un de ses premiers métiers que nous partagions, secrétaire de rédaction, il soutenait d’un regard clair et juvénile, d’un œil rigolard et pétillant, d’une répartie subtile, toutes les joutes. J’entends encore notre conversation devant l’hôpital de Pontoise dont la laideur était telle qu’on ne pouvait qu’en plaisanter si l’on songeait que Philippe y avait passé son dernier été. Il avait eu également quelques formules choisies pour décrire la décrépitude des pavillons de la Pitié-Salpétriêre devinant peut-être que les médecins qui tentaient de l’y guérir ne parviendraient pas, malgré leur science, à vaincre son mal.

Mais sa parole n’était évidemment pas que légèreté et divertissement. Elle savait se faire forte et solennelle au service d’engagements qui, pour lui, comptait et sur lequel chacun, pour peu qu’il en partage les choix profondément humains, pouvait s’appuyer. Ainsi relevait-il l’air de rien les défis.

En politique, Philippe n’était pas un spectateur, pas un observateur, mais un acteur. Il était critique, mais pas désabusé, expérimenté, mais pas cynique, lucide mais pas indifférent à la misère, à l’injustice, aux humiliations et aux duretés. Il était fidèle à un camp, celui de la Gauche, à un drapeau, rouge, à une histoire, celle du peuple, celle « des petits, des obscurs, des sans grade » qui avaient besoin de son aide et de son appui, mais il restait farouchement indépendant et scrupuleusement sans embrigadement. En matière de solidarité, il s’était fait son bréviaire à destination de toutes les communautés sans exception et sa religion, plus que celle d’une étroite confession, était celle de la fraternité universelle. C’était un engagement large et non feint. Il était valable 365 jours par an. Un jour que je lui reprochais de défendre bec et ongles, contre toute logique, une de ses collègues qui, matin, midi et soir, irrationnelle, inlassable, usante, me demandaient sa tête et réclamait son départ, comme celui de quelques autres qu’elle avait pris en grippe, il m’avait rétorqué que, comme Voltaire, il se battait pour que parlent librement ceux qui, l’accusant de tous les maux de la mairie puisqu’il veillait sur sa communication, voulait le contraindre à la démission et l’obliger au silence. Il avait ajouté commentant son attitude noble, mais à mes yeux trop paradoxale : « quelle importance ». Ni reproche, ni rancune. Grandeur d’âme et beau désintéressement…

Une parole un jour comme celui ci n’est pas uniquement un hommage. C’est un témoignage. Vous ai-je dit que la première annonce que l’on voyait sur son blog était un appel aux dons pour les Restos du Cœur ? Tout est dit. Au nom d’un investissement résolument citoyen, il ne laissait pas son militantisme au vestiaire et son bénévolat se perdre dans la charité. Il agissait en fonction de ses valeurs, de ses principes. Une action d’élu pendant une décennie ici, à Gisors auquel il était fidèle et dont il parlait du maire sans aveuglement, mais avec un profond respect, un combat électoral comme en 1995 où il fut tête de liste à Heudicourt, comme en 1998 où il se présenta aux cantonales à Etrepagny oubliant, parce qu’il estimait que sa place était naturellement là, de demander leur feu vert aux caciques de l’endroit et un billet de sortie à ses alliés socialistes qui lui préférèrent un candidat du sérail. Premier fédéral de ce parti dans notre département, je dois avouer que je ne l’ai jamais vu s’affliger, se lamenter, ni même se plaindre de ne pas avoir obtenu notre « nihil obstat ». Il était simplement allé musarder sur d’autres terres plus radicales. C’était sa conclusion : aller ailleurs. Je ne veux pas parler ici de la version locale, si loin du mendésisme et si proche du cassoulet, d’un petit parti allié et ami dont certains l’ont vu prendre la carte. Non, même s’il avait un moment rejoint les rangs inégalement dégarnis des amis de Jean-Michel Baylet, c’est de la mouvance du Front de Gauche qu’il s’était finalement rapproché. Elle lui allait comme un gant de cardinal. Ecarlate. Mais dans le même temps il restait de notre famille, celle des femmes et des hommes de bonne volonté, un compagnon assis à la table de notre évangile laïque. Sa vie professionnelle était une illustration supplémentaire de l’attachement qu’il professait au service public, au sens large, au service des jeunes, au service des personnes en difficulté. FAIRE était le nom bien choisi du centre de formation et d’insertion par l’économique qu’il avait dirigé avant de prendre la « route de Louviers ». Cet intitulé parle de lui-même.

Il est vrai qu’il choisissait les causes pour lesquelles il se motivait toujours sans établir de tri préalable. Il est non moins vrai qu’elles étaient nombreuses. On en avait parfois le vertige, pour tout dire le tournis. Il m’arrivait de m’y perdre. Je n’étais pas le seul. Quels allaient être la nouveauté, la foucade, l’emballement ? Mais dans les regards de ceux qui le suivaient et l’approuvaient, on voyait que ses positions, à défaut d’être immanquablement lisibles, étaient sincères et cohérentes. Ces inclinations successives n’avaient en fait qu’une orientation perpétuelle. Il allait du côté des faibles, des malheureux, des délaissés et des petits, contre l’adversité et l’austérité. Pour autant, comme on dit, on ne la lui faisait pas, et l’affirmation de ses convictions -les afficionados de son blog orphelin le savaient et l’appréciaient- n’allait pas sans un certain goût pour la rugosité, une analyse qui ne faisait pas l’économie de la rigueur, un penchant pour la rupture que son talent vrai de parole et d’écriture contribuait à éclairer. On aura compris que sa liberté était aussi une liberté de colères et de refus. Une manifestation d’honnêteté en quelque sorte.

De ce point de vue, de deux hommes partis le même jour avec lui, il avait certains traits. A Jérôme Savary, il aurait pu emprunter l’ironie, l’outrance et la caricature, mais aussi la grâce et la mélancolie du Grand Magic Circus et de ses animaux tristes. A Hugo Chavez, il aurait disputé la communion avec les descaminados, son indignation tribunicienne, la volonté que les plus pauvres aient moins mal, moins froid. Ce n’est sans doute pas un hasard si nous venons d’entendre, sous cette voute gothique, le fameux texte de Saint Mathieu, le plus théoricien des apôtres, l’ancien percepteur des romains, rappelant les mots éternels qu’aurait eus le Christ, « vêtir ceux qui sont nus, nourrir ceux qui ont faim », ce programme révolutionnaire qui continue de faire peur aux Hérode de tout bord et aux Pharisiens de tout poil. Mais à l’inverse de ces deux personnages peu enclin à l’autocritique, il reconnaissait parfois qu’une ou deux fausses notes, voire un peu de mauvaise foi, ne nuisaient pas à l’expression de ses convictions, ne l’avaient jamais gêné pour bousculer un dossier prioritaire, parfaire un projet, affirmer un parti pris. Pas mercenaire, mais pas naïf, c’est, probablement, ce qui faisait de lui un soutien précieux pour ceux sous la bannière desquels il s’était rangé.

Dans les arts, en revanche, il était pour une interprétation harmonieuse et exacte. Cette perfection l’obsédait. Il faisait la part du bruit et du son. La musique n’était pas anecdotique dans la vie de l’ami que nous pleurons. Elle eût pu devenir sa profession. Dans ce milieu exigeant, Philippe avait gardé des amitiés durables, des fidélités, des passions. Plus jeune, il avait accompagné Lavilliers le chanteur des gueules noires, des hauts fourneaux, de la Fench Valley. Symboliquement, c’était en écoutant Urban Sax, né avec la Ville Nouvelle, qu’il m’avait dit vouloir quitter la place Thorel et la cité drapière pour gagner l’avenue des falaises et la cité contemporaine, passant souplement, comme tant d’autres, d’une ville à l’autre de la Communauté d’agglomération Seine Eure. Lisant ce que serait le programme de la saison, il avait souhaité, malgré le combat terrible qu’il menait, qu’on lui conserve deux fauteuils pour aller aux Chalands écouter la foule sentimentale d’Alain Souchon. Il aurait retrouvé, sur scène, de vieux compagnons de route différents de ceux qu’affectionne Marcel Larmanou, mais qui formaient son ancienne tribu. Affaibli, il n’a pas pu, hélas, être présent ce soir là pour assister à cette dernière fête qui l’eût enchanté.

Fort de ce bagage, aucun passage au théâtre ou à l’école de musique, quels que soient la pression, l’urgence, l’agenda, ne pouvait se faire sans une station, un arrêt pour improviser au piano ou pincer les cordes d’une guitare égrainant quelques notes dédiées dans un parfait éclectisme au folk, au blues, à la country et au rock. Devant un clavier, sur un siège improvisé, combien de ses collègues a-t-il surpris par ce supplément d’âme qui lui permettait de séduire l’assistance captivée d’une poignée d’arpèges, puis de s’évader, solitaire, en empruntant la clé d’une portée ? Nous nous étions bien aperçus que ses propositions de lieu pour que se tienne une manifestation, ses pas réguliers, nous ramenaient toujours à l’auditorium de l’école de musique. La raison en était simple. Pour quelques instants trop courts, forcement trop courts, le fonctionnaire, le directeur de communication, l’ordonnateur des fêtes et événements, par obligation, le cédait au musicien par vocation. Il accomplissait ainsi, avec sa sensibilité, un petit saut du devoir au plaisir, du prévisible à l’inattendu, ces deux pôles essentiels à l’équilibre personnel qu’il cultivait. En moderne, il savait gérer avec conscience, en conscience, cet entre-deux.

Mais son métier était aussi une fierté. Il était heureux de réunir les gens, de leur rendre estime et satisfaction, d’inventer pour eux, de les surprendre, de leur faire aimer l’endroit où ils vivaient, de leur permettre de se divertir, de se cultiver, de se rencontrer, de se remercier, de s’engueuler ou de s’embrasser. Cet état d’esprit si curieux de la nouveauté, d’apprendre et de faire, nous l’avions retrouvé lorsqu’il contribua à réaliser le court métrage sur le 10 Mai 1981 que nous avions projeté à Val-de-Reuil pour le 30ème anniversaire de l’accession au pouvoir de François Mitterrand. Méoule racontait sa rencontre au fil des claps et des prises avec Jospin renfermé, Fabius communiquant, Védrine pédagogue, Glavany fidèle, Lienemann groupie, Levaï bouillonnant, mon père philosophant et restituait avec délectation ce qu’il n’avait pas mis sur la pellicule, mais dont l’évocation lui faisait se tenir les côtes. Ce fut pour tous ceux qui participèrent à ce tournage une respiration, un moment créatif et récréatif, hors routine, hors du temps, un moment d’amitié et de proximité. Ludovic Tellier, le magicien de Radio Espace et d’autres encore, normands ou parisiens, vieux complices ou équipiers d’un jour, s’en souviennent en ce moment même et me l’ont dit ou redit dans l’unique but qu’à mon tour je vous le rapporte.

Je voudrais ajouter un mot sur la passion numérique qui l’a poussé à animer, à faire vivre un des blogs les plus dynamiques, les plus politiques de Haute-Normandie. Ses pairs sur la toile, Denis Szalkowski, Patrick Robert, le peu tendre Vildenay, Jean-Charles Houel, lui ont dressé un tombeau d’amitié et de respect. C’est suffisamment rare dans le monde de l’Internet cruel et anonyme pour avancer que Philippe devait y avoir sa part d’exceptionnel. Son regard sur la vie, sur les gens, sur les choses, rempli d’indulgence, de bonté et de tolérance, y était singulier : une sorte d’humanisme 2.0. Philippe donnait naturellement, facilement, aisément, son avis sur le cours du temps, sur le fil des événements, sur la chronique des gens et cela sonnait juste. Sa recette était simple. Il ouvrait l’œil. Il était attentif. « Tout est intéressant pourvu qu’on regarde assez longtemps » pensait le normand Flaubert. Philippe en avait fait sa ligne éditoriale. Il ne jugeait pas, sauf ceux qui le méritaient et qui, alors, en prenaient pour leur grade. S’il s’affirmait de « post » en « post », il ne s’était pas construit, derrière un pseudonyme, protégé par l’écran, une autre vie sur internet. C’était la sienne, avec son authenticité, ses messages, son sens qu’il offrait. Il ne s’agissait pas d’améliorer son existence, d’y gagner influence ou célébrité, quoique, mais de mettre en avant la vie des autres. Pas de manipulation ou de manœuvre, à cent lieues des crapuleries et des cachotteries de certains sites, il incarnait le meilleur du web démocratique. Il offrait un horizon réel aux idées. Pas une prison virtuelle à l’originalité. C’était sa responsabilité médiatique. En le lisant encore ce matin, puisque l’ordinateur et nos fichiers nous survivent, j’entendais sa voix grave et rieuse, caillouteuse et chaleureuse qui tonnait ou consolait sur ce vaste océan immatériel. Une barque pour le naufragé. Un phare pour l’égaré. Il alliait un ton rare et juste, la rapidité du numérique, l’obsession de la réaction, mais aussi la lenteur naturelle des sentiments justes, la tranquillité rassurante des opinions fondées, la sérénité d’une conviction réfléchie.

Que dire d’autre qui ne soit de l’ordre de l’intime du personnel à propos d’un homme, né à l’entrée du jardin de la France, en Indre-et-Loire, à Tours où il s’était formé comme éducateur spécialisé et, je l’imagine, dans les bistrots d’étudiants de la place Plumereau, un homme qui suscitait fidélité confiance et amitié… Il faut d’abord penser au chagrin, à la peine, à la douleur de ses enfants qui le prolongeaient, de ses parents qui ont vu partir un fils avant eux. Une dernière photographie peut-être ? Celle d’un estivant en pleine forme, amoureux de quelques kilomètres carré au milieu de l’eau, de l’île d’Aix. Sa « tentation » de Venise était modeste et charentaise. Elle était à son image, mesurée, simple et authentique. Il se retrouvait sur ses plages. Il en comprenait le sable, les vagues et le vent. Il y trouvait la paix parmi les roses trémières. Quand il était en confiance, il faisait découvrir ce paradis progressivement, précautionneusement. Même en matière de paysage, il savait partager et enseigner. A un ami lovérien par le travail, mais rolivalois de domicile, il avait offert une journée dans l’île qui demeure dans sa mémoire aujourd’hui comme un cadeau unique : quelques centaines de brasses à nager ensemble dans l’eau salée, silencieusement, pour profiter de la sensation de froid sur la peau chaude, de ce vide sous le corps qui inquiète et qui intrigue.

Mais il est un dernier Philippe que, comme mon épouse Catherine, je garderai à l’esprit et dans mon cœur : celui qui, chaque 14 juillet, venait, dans le soleil, écouter du jazz sur l’Ile du Roy, pour un déjeuner sur l’herbe détendu et heureux, avec Martine, si présente, si aimante, indispensable à sa vie. Ensemble ils étaient beaux et épris l’un de l’autre. On imaginait leur vie faite de sorties, d’expositions, de pièces de théâtre ou de séances cinéma qui régulièrement les amenaient à Paris. Ils s’y perdaient, disaient-ils avec une intense satisfaction, pour marcher le soir arrivant main dans la main. Quand le vagabondage urbain supplante le marivaudage amoureux ! Il y avait les livres aussi qu’ils échangeaient et qu’il ne quittait pas ces derniers mois : Echenoz, Camus, Duras. La vie était plus douce à vivre ainsi. C’est celle-ci qui, mardi, a été arrachée.

Martine et Philippe, nous les avons vus et nous les avons mentalement suivis, à moto, partant en vacances dans une ballade à la « easy rider », elle agrippée à ses épaules, dans la vitesse, dans le vent, lui pilotant en évitant les chutes, tous deux pour le plaisir de ne jamais se quitter, roulant unis sur les routes de Normandie et découvrant les paysages de France ou d’Europe. Deux êtres dévoués l’un à l’autre, l’un pour l’autre et qui, jusqu’à la fin, ne se sont pas abandonnés. Ce matin et demain, et encore après, pour l’éternité, c’est ainsi que, avec Martine, nous le verrons aller sur le chemin sans obscurité.

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