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16 AVR 2012

J’ai donné récemment une interview à un journal professionnel sur le développement et l’avenir la Cosmetic Valley, pôle de compétitivité auquel sont associées des entreprises euroises et haut-normandes. En voici le texte.

Où en est le pôle face à son évaluation par l’Etat ?

L’évaluation se passe bien. Elle fait d’ores et déjà apparaître que la « Cosmetic Valley » a su exploiter simultanément toutes les potentialités, toutes les facettes d’un pôle de compétitivité. Elle a été un porteur de projets et un instrument de recherche. Quatre-vingt dossiers ont été labellisés sous son nom, souvent en partenariat avec des laboratoires publics, représentant un investissement total de 150 millions d’Euros. Ils ont  abouti à des innovations, des progrès dont les consommateurs ont profité. Elle a formé l’armature d’un réseau d’échanges de données, d’informations, de bonnes pratiques favorisant la mutualisation des connaissances et des initiatives entre les grands du secteur, par définition solides et disposant de nombreuses têtes de ponts, de capteurs diversifiés, et les PME qui forment, en nombre, l’essentiel de nos adhérents et sont sans doute plus réactifs, mieux armés dans des domaines ou des marchés de niche. Elle a constitué un puissant aimant pour attirer sur un territoire, faire converger les moyens de production des « géants de la beauté ». Je ne songe pas seulement aux entreprises de notre pays, mais également à d’illustres étrangers comme Shiséïdo ou à Paco Rabane qui, eux aussi, ont fait le choix, pour implanter leurs usines, du Loiret, de l’Eure-et-Loir, de la région Centre. Elle a permis aux fournisseurs, aux sous traitants, à tous ces métiers qui sont situés en aval, en amont, du test au packaging, parfois à la périphérie du processus de production, de trouver dans le respect de leur identité, une visibilité et une cohésion nouvelles. C’est évident sur les grands salons étrangers où nous allions autrefois en ordre dispersé et où nous nous retrouvons désormais rassemblés, plus forts, disposant d’une taille critique, incroyablement plus repérables et repérés sous la bannière de la « Cosmetic Valley ». Tout cela sans perdre cette dimension conviviale réelle qui se retrouve jusqu’au sein du conseil d’administration entre mes collègues, ce côté « société des égaux » qui permet au dialogue de s’installer entre Dior et le plus modeste des façonniers. Autant d’éléments qui m’ont impressionné au début de mon mandat, qui sont notre marque de fabrique et qu’il faut conserver.

Vous ferez donc partie des pôles sélectionnés dans la « short list » de ceux qui vont poursuivre l’aventure ?

Je le crois et je l’espère. Grâce à nos pères fondateurs, dont Jean-Paul Guerlain, nous étions un pôle de compétitivité avant même que le terme soit inventé, pour tout dire dix avant que les pôles existent officiellement. Dès 1994, la « Cosmetic Valley » est née quand un fabricant de savons s’est aperçu après avoir cherché partout où réaliser un emballage que l’oiseau rare nichait à quelques centaines de mètres de son usine et qu’il ne le savait pas. Nous avons mis à profit ce statut de précurseur et, pour cela, revendiquons le statut de pôle mondial. Nous avons eu le temps de mûrir, d’approfondir, de créer quelque chose d’authentique et d’utile. Il y a dans notre regroupement une part de cultures et de tradition. Il n’est pas seulement le fruit mécanique de la nécessité. Cet atout s’est renforcé au fil des ans. Il permet au miracle de la « Cosmetic Valley » de s’accomplir quotidiennement. Les synergies se créent entre adhérents, parfois concurrents, sans inquiétude quant à la confidentialité des travaux et des résultats. Chacun sait jusqu’où il peut aller sur le chemin commun et il n’est nul besoin de règles ou de frontières pour l’établir. C’est naturel. Si on ajoute à ce bon climat, une équipe petite, mais compétente et inventive qui base son intervention sur le principe de subsidiarité, le pôle ne faisant que ce que ses adhérents n’auraient pas pu faire seul ou à un coût trop lourd, le ticket pour la prochaine étape devrait nous être donné. Une évaluation, ce n’est d’ailleurs pas seulement un miroir tourné vers les réussites du passé, aussi brillantes soient-elles. C’est aussi un regard porté vers l’avenir. C’est ainsi que nous avons demandé que les PME puissent également bénéficier des concours du Fonds unique interministériel (FUI). Pour qu’il finance effectivement les projets de R&D collaboratifs d’un pôle de compétitivité tel que le notre, son seuil de déclenchement doit être revu à la baisse. Aujourd’hui, il est fixé à 1,5 million d’euros ce qui élimine de fait les projets des petites entreprises, si elles ne sont pas associées à des grands groupes. Il faudrait que le fonds ou une subdivision du fonds puisse intervenir pour soutenir des projets autour de 300 000 euros fédérant, par exemple, trois PME pour 100 000 euros chacune ce qui correspond plus à la réalité de nos besoins et de notre fonctionnement.

Et face aux acteurs locaux ?

Nous travaillons dans un climat de confiance et j’en remercie les décideurs politiques et administratifs des collectivités municipales, départementales et régionales qui agissent entre Chartres, Orléans et Tours, mais aussi autour de Rouen, d’Evreux et du Havre. Même si le territoire de la Cosmetic Valley doit s’étendre car, depuis Rio ou Tokyo, c’est la France qui est discernable bien davantage que telle ou telle de ses subdivisions, nous sommes fidèles à notre enracinement « central » et, par exemple, aux conseils généraux, aux conseils de développement, aux municipalités qui nous ont aidés à l’origine. Toutefois, nous ne pouvons plus travailler avec un nombre limité de collectivités. Nous souhaitons l’adhésion de tous ceux qui, en France, font le même travail que nous sans condition d’origine géographique. Nos rivaux à Hambourg, Milan, Barcelone ne s’amusent pas à favoriser la dispersion dans leur périmètre national. Ils ont déjà assez à faire avec la compétition internationale. Pour nous ce devrait être pareil. Symbole de cette volonté de rassemblement et d’ouverture, nous nous sommes rapprochés de la Febea qui va siéger à notre conseil d’administration.

Deviendrez-vous un pôle mondial ?

Cela ne dépend pas que des autorités françaises et européennes. L’économie en décidera. Mais nous avons besoin de cette reconnaissance, de cette crédibilité, de cette légitimité. Nous sommes trop discrets, alors que nous devrions  sans cesse rappeler la force de notre industrie qui n’est pas simplement une charmante spécificité, mais l’équivalent de la chimie allemande ou de la pharmacie suisse ou américaine. La France occupe une position de leader dans le domaine de la beauté. Croissance et emplois sont à la clé. Elle ne peut pas continuer à l’ignorer.

Le prochain Règlement cosmétique dépend lui de Bruxelles. Quelles en sont les conséquences ?

L’Europe, c’est « une force qui va ». Au moins techniquement, il faut l’accompagner. Nous jouons le jeu des interdictions, des réglementations, des restrictions. Dans la transparence et avec bonne humeur. Qui pourrait aller contre ? Pour favoriser la démarche éco-responsable que la Commission demande, nous avons privilégié une approche ludique en proposant le système de pivoines. Elles symbolisent l’engagement de nos adhérents sur de grands thèmes (l’environnement, l’offre, les relations sociétales et la démarche de progrès continu) et ils les obtiennent au fur et à mesure qu’ils répondent aux canons des 29. Comme les étoiles du Michelin… De façon plus profonde, nous sommes évidemment impactés par les nouvelles exigences européennes. Liste fortement allongée des allergènes et augmentation exponentielle  des mentions sur les emballages, pour ne citer que cela. Il ne faudrait pas que les différences de réglementation d’un continent à l’autre aboutissent à une cosmétique à deux vitesses, les produits pour le marché européen et ceux pour la Chine ou l’Amérique n’étant plus les mêmes. Il ne faut pas non plus que vendre un produit fabriqué en Europe soit un handicap, au moment où que nous clamons, à juste titre, les vertus du « made in France » et où dans la grande bataille de la mondialisation nous remportons une victoire en vendant en remimbis, en reals, en roupies, en roubles, en yens et en dollars des produits fabriqués chez nous et en Euros.

Outre les problèmes réglementaires, la Chine a souvent été montré du doigt à propos de la contrefaçon. Où en est-on ?

Nous le verrons lorsque nous serons sur le salon de Shanghai du 1er au 6 mai prochain. Mais il me semble que l’on assiste à un virage à 180° et à un changement d’ambiance générale. En accédant au statut de consommateur, la classe moyenne chinoise demande plus de sécurité. Or les produits contrefaits peuvent être dangereux et une opinion publique, cela s’écoute partout. D’économie émergente pouvant tirer profit de la contrefaçon, la Chine passe à une économie émergée avec des habitants pouvant, eux aussi, être des victimes de la contrefaçon. C’est le sens de l’action du Gouvernement de Pékin qui a conscience d’avoir en la personne des faussaires des représentants du grand banditisme qui ne se limitent pas à la falsification de nos produits, mais s’attaquent aussi dans les mêmes ateliers clandestins à la copie des denrées alimentaires et des médicaments. Cela tombe bien. Quand on achète un cosmétique français en Asie, on le fait pour sa qualité et son inocuité qui sont son authenticité.

© 2011 Marc-Antoine Jamet , Tous droits réservés / Wordpress