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11 NOV 2011

Allocution du 11 novembre – Discours au Monument Mémoire & Paix à Val-de-Reuil

Lazare Ponticelli, le dernier poilu, est mort voici 3 ans.

Henry John Patch est mort le 25 juillet 2009 à 111 ans. Il était le dernier combattant de la première guerre, dans les tranchées.

Claude Choules est mort le 5 mai 2011 à 110 ans. Il était le dernier soldat de 14/18. En mentant sur son âge, il avait rejoint la Royal Navy en 1916 à 14 ans.

Il n’y a plus de témoin vivant de ce grand massacre européen et mondial. Qui dira leur sacrifice ? Qui entretiendra la mémoire ? Qui transmettra leur souvenir ? Qui sera fidèle à leurs valeurs, à leur courage, à leurs souffrances ? Qui racontera cette Histoire, leur Histoire, notre Histoire à nos enfants pour que cela ne se reproduise plus ?

Mon grand-père maternel était né en 1897. Il était taciturne. Mais on lui arrachait parfois un mot sur le fusil, l’uniforme, les questions qui avaient été les siennes pendant 5 ans. Mon grand-père paternel était né en 1910 sur la ligne Maginot, il avait servi comme officier, connu la débâcle, fait prisonnier, envoyé en oflag. Ils sont morts, comme dans beaucoup de familles, avec leurs mots et leur personnalité. Alors il restera les livres, les témoignages, mais cela ne suffit pas. C’est pour cela que nos rassemblements autour de ce Monument sont indispensables, doivent être les plus larges possibles, les plus fervents par respect pour le passé, par nécessité pour l’avenir. C’est le sens de cet hommage rendu non plus seulement aux poilus de 1918, mais à tous les combattants des conflits coloniaux ou internationaux.

Pour le présent aussi. Notre cérémonie a commencé probablement depuis onze minutes et ce onzième jour du onzième mois de la onzième année du XXIème siècle est un jour particulier. Pour les 25 jeunes gens morts cette année en Afghanistan, soldats, infirmiers, sous-officiers et officiers, dans un conflit que le relatif démantèlement de Al Qaïda rend moins compréhensible. Il faut aussi penser à leurs camarades qui se battent. Pour ceux qui ont risqué leur vie en Lybie où on ne peut que regretter que celui qui incarnait la barbarie soit mort dans des circonstances d’une rare barbarie. Pour les otages français retenus en Afrique Subsaharienne et pour cette femme malade morte en Somalie.

J’étais hier en Allemagne. Je peux vous assurer que le sentiment patriotique débarrassé du bellicisme, de l’agressivité, de l’hégémonie, peut être une aide, un repère, une identité dans un monde qui bouge, nus échappe et nous inquiète.

La Chine, régime despotique qui devient la 2ème puissance de la planète et demain la première. Un de nos petits enfants sur deux aura un patron chinois.

Les printemps arabes qui abattent la tyrannie mais réveillent d’autres démons et hésitent entre la Charia et la démocratie, en Tunisie, en Egypte, en Lybie, aujourd’hui en Syrie, peut-être demain en Algérie.

Le Pakistan et l’Iran qui jouent avec l’arme nucléaire. Israël qui veut se défendre.

La Turquie qui devient une grande puissance, l’Irak qui panse ses plaies, la Palestine toujours sans pays.

Le continent africain soumis à la pauvreté, aux combats fratricides comme en Côte d’Ivoire, aux scissions comme au Soudan.

Les géants qui se réveillent : le Brésil, l’Indonésie, le Nigéria.

Le monde devient de moins en moins linéaire, de moins en moins compréhensible et en même temps de plus en plus proche et petit.

On voit que les catastrophes naturelles surgissent comme si elles se produisaient à quelques kilomètres d’ici, à l’instar des tsunamis ou des tremblements de terre au Japon ou en Turquie.

Des maladies que l’on croyait lointaines comme la tuberculose reviennent à Sarcelles ou Cichy-sous-Bois. D’autres maladies ne s’en vont toujours pas, comme le sida.

La communication qui propage la connaissance, mais aussi la rumeur, l’insulte, le mensonge.

Aujourd’hui, la fièvre économique et financière doit nous faire souvenir que c’est la guerre de 14 qui a amené la crise de 1929, mais que 1929 a amené 1933 et 1939.

La crise est un autre conflit, celui de la justice sociale, une autre violence, celle de l’argent. Moins bruyant, moins sanguinaire, elle va s’abattre sur nous et produire ses ravages sur les pays, les familles, les hommes, leur travail, leur vie, leur bonheur. Les peuples vont, comme en Grèce, en Espagne, en Italie, au Portugal payer la faillite des Etas, payer l’inadaptation de l’Europe. Les règles sont devenues folles. La situation des salariés de M-Real en est un premier symptôme près de chez nous.

Alors il faut s’en remettre à quelques boussoles :

→ la République, celle, Monsieur le Proviseur, de Marc Bloch, car c’est notre héritage commun et notre avenir le plus fort ;

→ l’intégration puisque je vois ici des visages venus des quatre coins de la ville mais, de ce fait, la population rolivaloise étant composée de 80 nationalités, provenant de beaucoup plus loin, ce qui plaide en la faveur du droit de vote des étrangers aux élections locales ;

→ la jeunesse et je veux saluer les jeunes de l’EPIDE réunis ici et, à travers eux, redire qu’un service civil serait nécessaire ;

→ l’éducation à travers l’Ecole et pour nos enfants ;

→ la solidarité notamment grâce au travail des associations ;

→ la rénovation, pas seulement celle des murs, des façades, des immeubles mais aussi la rénovation de notre ville au sens large pour qu’elle soit adaptée aux défis de demain, pas seulement grâce à la fibre optique et au numérique, mais aussi grâce à beaucoup de ferveur.

Il faudra beaucoup d’ambition dans les années à venir qui s’annoncent très difficiles. Pas de l’ambition pour écraser mais de l’ambition pour être solidaire, pour la défendre et la protéger. Une période s’ouvre durant laquelle il faudra serrer les dents. La solidarité est le ciment de tout. Le sens de cette cérémonie est aussi de le rappeler.

Vive Val-de-Reuil, Vive la République, Vive la France !

© 2011 Marc-Antoine Jamet , Tous droits réservés / Wordpress