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18 JUIL 2020

Ce mardi 14 juillet, au Monument Mémoire et Paix, devant 200 Rolivalois, je m’exprimais lors du Rassemblement en l’honneur de la Fête Nationale.

Discours de M. Marc-Antoine JAMET,

Maire de Val-de-Reuil,

Président de la commission des finances de la région Normandie

A l’occasion de la Fête Nationale

Mardi 14 juillet 2020 à 11 heures – Monument Mémoire et Paix

Chers collègues, chers compatriotes, chers concitoyens, chers amis,

La France, dans nos cœurs, toujours doit être grande. C’est notre pays. C’est notre terre. C’est notre sang. Nous sommes ses enfants. Nous devons la servir et l’aimer. Comme si elle était unique. Comme si elle était première. C’est cet amour et cette admiration qui nous a donné la force et la confiance d’affronter, ensemble et pour la surmonter, la triple crise sanitaire, économique et sociale qui a surgi brutalement. Dans ce contexte, le 14 juillet m’autorisera un mot de politique générale avant de rendre hommage à la mémoire de trois Français.

Depuis une trentaine d’années et la disparition de ceux qui avaient connu la défaite et l’occupation, la résistance et la libération, la croissance et la décolonisation, il n’est plus évident, même si cela est moins démodé que cela l’a été, d’exprimer des sentiments d’appartenance et d’adhésion à l’égard de la Nation. Il arrive encore – rarement – qu’on apprenne à l’école « France, mère des arts, des armes et des lois, tu m’as nourri longtemps du lait de ta mamelle ». Mais c’était Du Bellay, c’était la renaissance et c’était autrefois. La France a beaucoup changé depuis La Pléiade.

Aujourd’hui, on doute de notre puissance face à la Chine, aux États-Unis, à la Russie, à leurs armées ou à leurs usines, sans parler de ces rivaux que seront demain l’Inde, le Brésil ou l’Indonésie. On s’inquiète de notre influence limitée dans une Europe divisée, incapable de se fixer dix priorités ou de rendre leurs compétences aux États, une Europe dont le modèle est en crise et où nos voisins sont davantage des concurrents que des alliés.

Malgré Duras, Modiano le ténébreux Nobel, Yasmina Reza, Houellebecq adulé en Californie, Yourcenar et Le Clézio, en dépit de Levy, Barberie, Musso, Gavalda et Bussi sagement alignés sur la table de nuit du bon M. Priollaud, ainsi que nous l’apprenne les journaux, on constate le retrait de notre langue, de notre culture et de notre littérature. La francophonie était un océan. Ce n’est plus qu’un étang. Est-il en voie d’assèchement ? Sa survie passe désormais par le Niger et le Mali, le Tchad et le Sénégal, le Cameroun et le Burkina, la Côte d’Ivoire et le Gabon, le Congo et Madagascar, l’ancienne Indochine, paradoxalement par le Maroc, l’Algérie et la Tunisie, peut-être le Liban, au nom des siècles, des diasporas, des immigrations et des familles partagés à condition que nous renforcions nos liens par l’intégration ici, dans la dignité, et la coopération, dans les respect, là-bas.

On parle du climat, mais on oublie cette autre bombe à retardement qu’est la démographie. Elle se charge plus vite. Elle explosera plus fort. Nous étions au siècle précédent 50 millions pour deux milliards et demi d’êtres humains, presque 5% de la population du globe. Nous ne sommes plus que soixante-cinq millions pour sept milliards : moins d’un pour cent de l’humanité. Il y a de quoi nous alarmer pour le futur, pour la planète pour la durabilité de notre existence sans développement mutualisé, réduction des productions carbonées et désarmement.

Le constat est rude, mais il existe des solutions.

Il nous faut retrouver pour vivre et nous épanouir une échelle qui corresponde à notre taille et préserve notre santé, nos paysages, notre identité et notre indépendance. C’est pourquoi le retour vers le local et la proximité, vers l’équitable et le raisonnable, vers la mesure et la nature, sont des orientations de fond qui, au-delà des formations politiques, doivent guider notre action à Val-de-Reuil comme ailleurs.

C’est le rôle de la puissance publique que d’y parvenir, elle qui est payée par l’impôt pour transformer des informations en décisions, mais la peur du leadership est telle que les ministres plutôt que de gouverner, donc de choisir et de prendre le risque de se tromper, préfèrent suivre des conventions citoyennes confectionnées au petit bonheur la chance, comme si le pilote d’un avion le stoppait en l’air pour demander aux passagers de déterminer au hasard l’endroit où ils veulent se poser, comme si vous tiriez au sort parmi des milliers de praticiens inconnus qui sera votre médecin de famille. C’est ainsi que, de grève civique en amnésie démocratique, la participation au second tour des élections municipales, marqué par le retrait/abstention des personnes âgées, a fabriqué le 28 juin de bien curieux résultats.

Une fois par an, cependant, une fois par an, au moins, grâce à la force de ses valeurs, de ses principes, de ses idées, la France continue d’éclairer le monde de sa grandeur et de sa générosité à la lueur d’une flamme républicaine qui reste à jamais exceptionnelle et sera pour toujours exemplaire. C’est cet éclat qui justifie notre présence, qui exige notre rassemblement sur toutes les places des villes et villages de France, de Paris à Val-de-Reuil malgré la grisaille et la menace de la pluie.

Élus, corps constitués, agents civils ou militaires, bénévoles associatifs, je vous en remercie. Je ne pouvais pas rester plus longtemps seul, comme le 8 mai dernier, à tous vous représenter au cœur de ce monument entre un officier de sapeurs-pompiers valeureux et un jeune porte-drapeau masqué.

Chacun connaît la signification de cette cérémonie. Il faut néanmoins inlassablement la répéter.

Le 14 juillet 1789, en brisant les chaines de la Bastille, en s’emparant de la vieille forteresse monarchique, en mettant la tête du Gouverneur de Launay au bout d’une pique, les artisans du Faubourg Saint-Antoine et les gardes-françaises mutinées ont marqué, par la violence et le sacrifice, la naissance d’un mouvement vers l’égalité, la liberté et la fraternité, que, pendant plus de deux siècles, aucun peuple citoyen n’allait oublier.

Le 14 juillet 1790, sur le Champ-de-Mars, en jurant fidélité à la Patrie, en déclarant la supériorité de la Loi sur l’arbitraire, en décrétant l’union nationale, 100.000 parisiens allaient poser le premier acte d’une grande révolution, à la fois terrible et magnifique, dont l’énergie féroce allait transformer le monde, impressionnant les deux Amériques, celle de Jefferson et celle de Bolivar, inspirant les révolutionnaires bolcheviques et chinois, avant que leur longue marche ne les conduise vers la dictature, devenant la référence obligée de la plupart des démocraties, creusant le sillon dans lequel, depuis que le 14 juillet fût proclamé, en 1879, fête nationale, s’inscrit la geste hexagonale. Nous en sommes les héritiers.

C’est pour cette raison suprême que nous ne pouvions déserter ce monument à la Mémoire et à la Paix. On ne confine pas l’Histoire et ses symboles. Sans repère, ni incarnation, il n’est plus d’État et plus de Ville, plus de vie politique et plus de services publics. Souvenons-nous de ces jeunes étudiants manifestant spontanément, chantant la Marseillaise, brandissant le drapeau tricolore sous le nez de l’ennemi, le 14 juillet 1940 à l’Arc-de-Triomphe. Quand tout était perdu, ils ont affirmé que tout était gagnable. Notre risque est autrement plus faible. Oui, il était normal, en songeant à de tels précédents que nous consacrions cet instant à notre Patrie. Oui à la distanciation sociale. Non à la distanciation historique.

Pour leur rendre hommage, je voudrais maintenant parler de deux militaires. Le nom de l’un est si souvent cité que, à lui seul, il suffit à rappeler sa gloire. C’est le Général de Gaulle. Je ne sais si « tout le monde est, a été ou sera gaulliste » comme le proclamait André Malraux, mais le géant à la croix de Lorraine, né à Lille il y a 130 ans, mort à Colombey-les-deux Églises il y a 50 ans, a fait du 18 juin 1940, il y a 80 ans, un triple jour de vérité.

La vérité de sa conscience : mieux vaut être à Londres, entouré des compagnons fidèles à la France Libre qu’à Vichy dans le faste thermal du Gouvernement de la collaboration. Investi de charges publiques, il faut savoir ne pas se tromper, préférer l’honneur à l’intérêt. On peut décider seul, mais il faut que cela soit dans le bon sens. On est toujours responsable de ses actes.

La vérité de la patience : entre le moment où le capitaine de Gaulle cesse toute opération armée en 1920 et la date à laquelle il entre dans le Gouvernement de Paul Reynaud en mai 1940, à 50 ans, il s’est écoulé 20 ans. 20 ans de propositions et de rebuffades. 20 ans d’espoirs et de désillusions. Entre le moment où il abandonne toute fonction le 20 janvier 1946 et son retour au pouvoir le 1erjuin 1958, il lui faudra attendre douze ans, rédiger ses mémoires enfermé à La Boisserie et atteindre l’âge de 68 ans. Quelle différence avec certaines trajectoires supersoniques.

La vérité de la cohérence : trois discours, pas un de plus, résument le Général de Gaulle, Brazzaville, Bayeux et Épinal. Ils forment sa pensée, son corpus idéologique et il restera fidèle, en créant la cinquième république ou sur la scène internationale, à ce qu’il avait écrit, décrit et promis. Pas de valse des étiquettes suivant les majorités et les Gouvernements, pas de pensée changeante au fil des élections ou selon les générations. A l’esprit girouette, il préfère la force tranquille de la falaise ou du rocher.

Le Général de Gaulle, mégalomane, conservateur, cruel, dépressif, manipulateur, dissimulé, comme politicien, n’était pas un ange, mais, comme homme, il a fait preuve de qualités peu communes de courage, de lucidité et d’action, d’un dépassement de soi et d’une vision qu’on retrouve peu, pas ou plus chez nos contemporains. Conscience, patience et cohérence, cela n’est pas valable qu’à l’Élysée ou au Palais-Bourbon, c’est aussi une ligne de conduite qui peut avoir, à de modestes échelons, sa pertinence dans une région ou une agglomération, expliquer que certaines défaites valent bien des victoires, faire la part entre les individus qui réfléchissent avant d’agir, qui parviennent à exprimer un besoin collectif, un intérêt général, qui ont un certain charisme et une certaine stature et ceux qui, hélas, quelle que soit leur bonne volonté, en sont dépourvus. Ce n’est pas seulement une leçon du passé. C’est une feuille de route pour l’avenir. Il est étonnant de constater que ce sont – précisément – ceux qui ont fomenté l’attentat qui, vont honorer, à Belle-Île, la cible qu’ils ont ratée, sur la route du Petit-Clamart, 60 ans plus tôt.

Le second militaire que je veux honorer devrait nous être aussi familier que le premier. Il n’était pas général, mais simple soldat. Nous l’avons croisé et salué au repas des anciens, dans nos rues, à chacune de nos manifestations. Nous l’avons côtoyé pendant des années, avant que la maladie ne l’écarte des commémorations.

Bernard Boivin était né à Rouen, « la ville aux vieilles rues, aux vieilles tours, la ville aux cent clochers carillonnant dans l’air », le 19 janvier 1941, au cœur de la seconde guerre mondiale, quand les Anglais, à l’offensive, se ruent sur Tobrouk, le jour où Mussolini, apeuré, se précipite chez Hitler à Berchtesgaden parce que ses troupes partout sont enfoncées en Albanie, en Grèce, au Soudan en Érythrée. Très tôt, en 1949, à huit ans, il perd ses parents, est séparé, lui le benjamin de la fratrie, de ses deux frères qu’il ne retrouvera pas, est placé comme pupille de la Nation. Les jeunes gens d’aujourd’hui n’imaginent pas toujours les privations et les souffrances qu’ont subies leurs parents pendant et après la seconde guerre mondiale.

Est-ce un effet de cette enfance où il entendra le pas des bottes nazies sur les pavés, où il connaîtra les bombardements alliés sur la Normandie ? Il va dans sa jeunesse embrasser une carrière militaire. A l’âge de vingt ans, comme beaucoup de jeunes de milieu populaire, il part pour l’Algérie, d’abord au 51èmerégiment d’infanterie. Sur le drapeau de son unité, il voit les exploits de ceux qui l’ont précédé derrière deux noms qui y ont été inscrits par des braves et des héros : Arcole et Verdun. Pour deux des années les plus difficiles et cruciales de la tragédie algérienne, 1961 et 1962, il va servir dans l’Algérois, l’Oranais, le Constantinois. Après les accords d’Évian, il s’engage pour cinq ans et est versé dans un régiment d’élite, le premier régiment parachutiste d’infanterie de marine, le 1erRPIMA de Bayonne qui a été engagé à DienBienPhû, Suez et Bizerte, héritier des forces spéciales de la France Libre, fier de sa devise « Qui ose gagne » traduite de celle des commandos britanniques « who dares wins ». Comme Rimbaud, il ira en armes à Djibouti.

Son contrat terminé, il est probablement temps pour le béret rouge de revoir sa Normandie. Nous sommes en 1967. J’imagine que c’est à ce moment-là qu’il rencontre celle qui va devenir sa femme, Monique, qu’il va épouser le 24 février 1990. Ensemble, ils auront avoir trois filles, Aurélie, Mélissa et Élisa, mais il élèvera également les trois enfants que son épouse a eue d’une précédente union. Il était heureux d’être le grand-père de cinq petits-enfants qui le lui rendaient bien : Enzo (13 ans), Maéva (10 ans), Killian (7 ans), Sophie (4 ans) et la petite dernière Annabella.

De retour dans le civil, il ne reprendra pas son métier de garçon de ferme. Il en connaît l’extrême dureté. Il est recruté comme aide-raffineur aux Papeteries Navarre de Grand Quevilly, puis à la Société Parisienne de Gardiennage à Rouen, enfin comme ripeur à la société Vilain de Beaumont-le-Roger. Trois expériences qui usent et fatiguent. Il prendra une retraite bien méritée en 2001.

Marsouins et légionnaires, d’ordinaire, ne font pas toujours la paire, mais c’est, chez les képis blancs, un soldat exceptionnel qui va lui tendre la main et, chez nous, l’embarquer dans toutes ses associations, locataires avec la vaillante ALTAM, anciens combattants avec la célèbre ARACA, jardinage avec les Jardins Familiaux. On l’a compris : Bernard Boivin va rejoindre Antonio Antoniolli. Il resteront fidèles l’un à l’autre jusqu’au décès de l’adjudant-chef italien devenu un des plus éminents conseillers municipaux de notre Ville, un ami qu’une plaque honore en ce jardin.

J’ai un souvenir précis de Bernard Boivin. Il lui arrivait de grommeler quand il n’était pas content, mais c’était un Rolivalois fier de sa ville et reconnu. Il a été notre porte-drapeau. Nous lui avons confié notre étendard et seule la maladie, en 2005, lui faisant perdre l’usage de la parole et des jambes, l’a obligé à passer le relais. Il nous a quittés brusquement voici quelques jours à l’âge de 79 ans. Sa famille avait veillé sur lui. A notre tour, nous lui devions hommage et reconnaissance. Bernard Boivin, là où vous êtes, avec Saint-Michel, patron des chevaliers du ciel, nous vous saluons et nous vous remercions. Je suis ce matin votre porte-drapeau.

Avant de vivre à Val-de-Reuil pour trois décennies, voie de la Bucaille, puis Voie des Rougettes, Bernard Boivin avait habité à quelques kilomètres de chez nous à Saint-Étienne-du-Vauvray.

Nous connaissions bien et pour de multiples raisons Daniel Dugord, un des maires de cette belle commune limitrophe de la nôtre. C’est dans ce rôle que je l’ai d’abord connu accueillant Laurent Fabius en l’an 2000 à l’occasion de l’inauguration de la médiathèque Jules Verne pour la création de laquelle il s’était battu. C’était son jour de gloire, un jour de reconnaissance des habitants, un jour où il rayonnait. D’une certaine façon, son mandat de premier magistrat donnait un éclairage à un engagement de 25 ans, un quart de siècle, comme conseiller municipal, un engagement pour servir et non se servir. Je garde un souvenir fort de cette journée.

Daniel Dugord était un homme de bien. Un homme droit et positif. Un homme généreux et solidaire. Un homme réservé sur lui-même et efficace pour les autres. Un homme de conviction républicaine. Il est décédé, prématurément, victime de la maladie contre laquelle, depuis des années, il luttait avec courage, le 2 mai dernier à l’âge de 69 ans. Issu d’une famille nombreuse et d’un milieu modeste, entré à quinze ans à l’école normale d’Évreux, c’était un pédagogue. C’était un professeur. C’était un progressiste. Il devait tout, disait-il, à l’éducation, ascenseur social et passion de sa vie. Plus qu’un hussard de la République, Jules Romains en aurait certainement fait, entre Jallez et Jerphanion, témoins et passeurs de leur époque, un de ses « Hommes de bonne volonté ».

Après avoir débuté au collège du Hamelet, il avait été le principal ou le proviseur de plusieurs établissements importants de Haute-Normandie, sa région de naissance en 1951, à Hectomare, en Seine-Maritime. Un passage au Collège Branly de Grand Quevilly ne doit pas être oublié. Mais, pour nous, il reste le chef d’établissement de Pierre Mendes-France, pendant sept ans, et, pendant huit années, un des grands proviseurs du Lycée Marc Bloch que ce laïc farouche avait porté sur les fonds baptismaux. Certes, il choisit de finir sa carrière au Lycée André Maurois d’Elbeuf, mais pendant quinze ans il a veillé sur nos enfants, créant avec moi l’atelier Sciences Po qui a fait émerger tant de talents. J’avais été ému par la grande interview dans la presse locale qu’il avait donnée au dernier jour de sa mission. Il y disait sa croyance absolue dans le caractère salvateur de l’éducation, en la mission sacrée de l’enseignant : ne jamais se décourager, voir toujours dans un élève, même le plus mauvais, le bon côté qui va le sauver, inventer et innover pour continuer à faire de l’école, du collège, du lycée les étoiles brillantes du savoir et de la République.

Il n’avait pas cessé, sa tâche accomplie, de parcourir Val-de-Reuil avec ses longues jambes, ses lunettes d’écaille, sa grande taille, sa moustache poivre et sel. Parfois on croisait sa silhouette qui, dans ces circonstances, n’était pas sans rappeler celle de M. Hulot ou du facteur de Jour de Fête, en vélo, autour de la boucle de Poses, profitant du temps retrouvé.

Il continuait de se mobiliser à travers des engagements associatifs sélectifs et déterminés, « Lire et Faire lire » contre l’illettrisme et l’inculture ou « Amnesty International » pour la Justice et contre la violence, contre le racisme aussi, le poison de la ségrégation qui, depuis les États-Unis, sur un compte twitter, se répand comme le pire message du populisme, ne laissant plus aux prises que ceux qui veulent nier l’histoire en ne changeant rien de leurs haines, de leur mépris, de leur a priori contre celui qui n’est pas blanc de peau et ceux qui, en abattant des statues, veulent réécrire l’histoire plutôt que la regarder et l’expliquer.

Nous voulions que le nom de Daniel Dugord, je pense à Jacques Lecerf particulièrement, soit cité, ici, en ce jour, pour le remercier, lui l’homme de Gauche intègre et sincère, à l’ancienne, et adresser un message d’amitié à son épouse Sylvie qui fût, pas seulement, infirmière parmi nous, à ses trois filles et à leur famille, l’une d’entre elles est professeur de mathématiques comme son père, à ses trois petits enfants.

C’est enfin, pour conclure ce propos, à deux communautés que je veux rendre hommage.

D’abord aux agents de notre Ville qui, sous la direction de notre directeur général des services, M. Julien Tristant, avec leurs partenaires des services de l’État, ceux de l’enseignement et ceux de la police, ceux du bassin d’essais et ceux du centre de détention, avec leurs collègues du département, je pense en particulier aux pompiers, ont continué, entre le 15 mars et le 11 mai, de servir avec courage, abnégation et altruisme, la population de Val-de-Reuil. Comme si de rien n’était. Tout en faisant démarrer les premiers chantiers de notre dossier à 137 millions d’euros : l’ANRU. Avec la superbe équipe municipale que j’ai la chance d’avoir pu rassembler, des femmes et des  hommes ouverts et enthousiastes, ce qui donne son prix à notre compliment, nous vous disons merci.

La seconde communauté que je veux honorer par nos mots est celle des soignants, celle de la médecine de ville et celle de l’hôpital, celle qui réunit spécialistes, lingères, administrateurs, infirmiers et infirmières, directeur, personnel de sécurité, médecins, internes, chef de clinique, secrétaires, docteurs, professeurs, français et étrangers, dans des établissements privés, en profession libérale, dans le service public de la santé. Ils ont tenu la ligne de front. Ils n’ont pas déserté. Il ont sauvé, assisté, entouré. Ils en ont payé le prix fort et il serait juste de parler de sacrifice en citant leurs morts. Aucune médaille ne viendra compenser cela. Seule la prise en compte de leur souffrance sociale, la fin de l’indifférence matérielle avec laquelle ils sont traités, pourra apporter une juste compensation à l’énergie et au temps qu’ils consacrent quotidiennement, à préserver la vie et à faire reculer ses limites.

Ayant dit cela je voudrais faire deux remarques. Ne jouons pas avec le feu, ne jouons pas avec la mort. Trop de gens ne respectent pas les gestes-barrière, trop de gens n’observent pas la fameuse distanciation sociale, trop de gens ne portent pas de masques. Le virus est là. Le nombre des appels à SOS-médecins, des contaminations, des hospitalisations ré-augmente. Je ne veux pas crier « au loup », mais faisons attention. C’est la raison pour laquelle j’ai été choqué de lire une lettre signée des noms d’une vingtaine de médecins de notre commune et des alentours regrettant que Val-de-Reuil ait bénéficié d’une campagne de dépistage parce qu’il n’en avait pas été assez prévenus. Venus de la part de gens qui, pour certains d’entre eux, n’ont jamais fait l’effort de voir le maire, représentant de l’État, ou distillent des informations, dont il aurait besoin, à des gens à qui elles ne sont pas destinées, je trouve cela déplacé. Il y a suffisamment de malades et de pauvres à Val-de-Reuil pour que personne ne se les arrache. Inversement quand j’entends que, dans notre église décorée d’un vitrail neuf évoquant la Pentecôte, un prêtre a demandé à ses paroissiens de se donner la main et d’ôter leur masques, en dépit de la protestation d’un médecin qui assistait à l’office, les bras m’en tombent. Pour ce qui est de notre sort ici-bas, le serviteur de Dieu doit s’effacer devant l’homme de science et l’écouter. Sinon il lui en coûtera. Comme n’importe quelle autre manifestation, s’il y a danger et irresponsabilité, je peux interdire les messes. Mon supérieur en la matière n’est pas l’évêque, mais le préfet. Mes évangiles seront le pouvoir de police. C’est un ultime avertissement.

Enfin puisque une minute de silence nous réunira bientôt, je souhaite qu’à tous les morts de la patrie, tombé au champ d’honneur au cours des conflits ou des opérations de maintien de la paix, nous associons les 30.000 femmes et hommes souvent très âgés, que cette maladie a emportés avant l’heure. Pour ma part, je penserai, pour le pleurer, à mon ami Henri Weber.

Vive Val-de-Reuil, vive la République, vive la France.

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