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15 MAI 2017

Bonne Chance à Edouard PHILIPPE

 

J’ai rencontré pour la première fois Edouard Philippe, au début des années 1990, alors qu’il était à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, puis à l’ENA, un étudiant remarqué tandis que j’y étais – il me l’a confié – un professeur suivi et un examinateur respecté. Ses idées politiques m’étaient inconnues. En revanche, il ne m’avait pas échappé que, malgré sa jeunesse, il était déjà un esprit brillant, original et rapide. Magistrat à la Cour des comptes, j’ai pu l’observer devenant, grâce à son intelligence et à son talent, un des meilleurs auditeurs au Conseil d’Etat, mettant en pratique l’objectivité vigilante qui doit être le propre de cette institution, démontrant, de ce fait, qu’il possédait les qualités inhérentes à un grand serviteur de l’Etat. J’ai suivi, avec attention et sympathie, connaissant bien cette voie, le travail qu’il a accompli, fidèlement, activement, loyalement, avec son ami Gilles Boyer, au service d’Alain Juppé. Il en a été un collaborateur essentiel que ce soit pour créer l’UMP ou au sommet d’un éphémère Ministère de l’Environnement. Doit-on rappeler que le Maire de Bordeaux est connu, à droite, pour s’entourer des meilleurs éléments de son camp.

Comme Maire de Val-de-Reuil, engagé dans un renouvellement urbain qui, en Normandie, nous est (assez) exclusivement commun, je l’ai vu, dans le prolongement des projets voulus par Antoine Ruffenacht, prendre, à sa suite, la Mairie du Havre et y recueillir une circonscription, faisant ainsi des choix difficiles, des choix courageux, ceux du service des autres, de l’intérêt général et des contraintes qui y sont liées, au détriment d’une vie personnelle paisible et d’une carrière professionnelle prometteuse. En élu de la République, je l’ai vu se battre pour sa commune, son développement, sa population. Durant toutes ces années et jusqu’il y a peu, pour nos collectivités, nous avons, dans des formations différentes et par des raisonnements distincts, souvent partagé des convictions et des combats. Il a affronté le Front National sans la moindre ambiguïté. C’est une chose qui compte à mes yeux.

Edouard Philippe vient de devenir le « premier » Premier ministre du Nouveau Président de la République Emmanuel Macron. Je l’en félicite. Il ne doit cette nomination qu’à ses mérites et à ses qualités. Ils sont grands. J’espère pour notre pays que son mandat sera un mandat gagnant. Il faut être positif et constructif si nous voulons que la France, face à la mondialisation, se répare, se redresse et réussisse. Avec la même passion pour la France, la même humanité souriante, le même humour britannique et la même réflexion solide, le Maire du port du Havre succède au Maire du port de Cherbourg. Même si je regretterai toujours que ce dernier n’ait pu davantage et plus longtemps s’exprimer, je demeure heureux pour notre Normandie de cette succession tempérée.

Sa nomination est un choix audacieux dont on ne voudrait pas cependant qu’il soit hasardeux. Si, sur beaucoup d’idées, il a fait le pari de la modernité, il a pu être, par le passé, pendant les présidences Chirac et Sarkozy notamment, le soutien de mesures économiques et sociales qui étaient tout sauf progressistes. Il a été le partisan de méthodes qui ont pu paraître rudes en matière de retraites, de fiscalité, d’indemnisation du chômage. Il a soutenu Bruno Lemaire et Hervé Morin, nos adversaires départementaux et régionaux.  Il s’est opposé aux réformes que la Gauche proposait avec François Hollande et Bernard Cazeneuve. Plus grave, je ne peux m’empêcher de noter que Edouard Philippe devient le symbole de la grande confusion, du grand désordre, du grand flou qui président aux destinées de notre pays, puisque, désormais, est maintenant associé à l’ancien Ministre de l’économie d’une majorité socialiste, devenu hier chef de l’Etat, un toujours député des Républicains, un « homme de droite » qui devient aujourd’hui chef du Gouvernement. C’est en découvrant les ministres qu’il nommera, le programme qu’il suivra, l’assemblée nationale qui le soutiendra que l’on saura de quel côté du mur la France tombera. Au-delà de l’estime qu’on peut avoir pour le nouveau Premier ministre, il faut lui rappeler une réalité – la droite et la Gauche ne sont pas identiques, loin s’en faut -, et souhaiter une clarification par l’élection, partout en Normandie, de parlementaires socialistes seuls à même sans glisser vers le radicalisme stérile de la Gauche extrême, sans approuver les remèdes de cheval de la droite éternelle, d’être fidèles à nos valeurs et à nos idées : la justice sociale, la laïcité, l’égalité des chances et la solidarité. Bonne Chance à Edouard Philippe. Pour « l’aider » votons tous à Gauche.

Communiqué de Marc-Antoine JAMET

Premier secrétaire de la Fédération de l’Eure du Parti Socialiste

7 MAI 2017

A VAL DE REUIL, TROIS POINTS NOTABLES : UNE PARTICIPATION INHABITUELLEMENT SATISFAISANTE, UN RASSEMBLEMENT DES DEMOCRATES PLUS LARGEMENT MAJORITAIRE QUE DANS LE DEPARTEMENT, UN FRONT NATIONAL ARRÊTÉ PLUS FERMEMENT QUE DANS LE RESTE DE L’AGGLOMÉRATION SEINE-EURE

 

 A VAL DE REUIL, TROIS POINTS NOTABLES :  

UNE PARTICIPATION INHABITUELLEMENT SATISFAISANTE,  

UN RASSEMBLEMENT DES DEMOCRATES PLUS LARGEMENT MAJORITAIRE QUE DANS LE DEPARTEMENT,  

UN FRONT NATIONAL ARRÊTÉ PLUS FERMEMENT QUE DANS LE RESTE DE L’AGGLOMÉRATION SEINE-EURE

 

Il y a ce soir, à l’observation des résultats du second tour de l’élection présidentielle à Val-de-Reuil, cinq points à souligner.

1)   Un léger recul de la participation par rapport au premier tour de l’élection présidentielle est observé. Cette tendance est toutefois, en proportions, moins importante que celle constatée au niveau national, même si elle renforce localement une abstention structurellement forte. 62% des électeurs de la commune, contre 65% au premier tour, se sont déplacés pour départager Emmanuel Macron et la candidate du Front National, soit un peu plus de 4700 votants sur près de 8000 inscrits. La mobilisation est plus importante qu’en 2002, mais en retrait par rapport aux scrutins présidentiels de 2007 et de 2012. Elle reste insuffisante en valeur absolue, mais manifeste une vigueur citoyenne inhabituelle.

2)   Si les 31% de voix qui, à Val-de-Reuil, se sont portées le 23 avril 2017 sur le représentant des Insoumis ne semblent ne pas avoir manqué à Emmanuel Macron, la réalité est plus complexe. Certes l’abstention ne s’est pas creusée au second tour en dépit des consignes floues de Jean-Luc Mélenchon. De nouveaux électeurs se sont même présentés dans chacune des six bureaux rolivalois tout au long de la journée comme en témoignent les feuilles d’émargement. L’important travail municipal réalisé dans l’entre-deux tours en direction des abstentionnistes (porte-à-porte notamment), plus ponctuellement le rassemblement réussi organisé à son initiative autour du Premier ministre Bernard Cazeneuve avec près de 1000 participants ; ont montré à cet égard leur efficacité. Mais on doit déplorer que l’incitation au vote blanc et nul, prôné par certaines forces de Gauche et certaines personnalités de droite, ait permis de quadrupler leur nombre passant pour les premiers de 91 à 372, pour les seconds de 41 à 125. Cette évasion d’un certain nombre d’électeurs hors des limites républicaines a contribué, avec l’équivalent de 10% des exprimés, à gonfler le résultat atteint par le FN dans la Ville Nouvelle.

3)   Le rassemblement des républicains, des démocrates et des progressistes, attendu au soir du premier tour, s’est très clairement manifesté dans les urnes rolivaloises. Emmanuel Macron, nouveau Président de la République élu ce 7 mai, est très largement en tête dans les six bureaux de vote que compte la commune et obtient près de 64% des suffrages exprimés, score qui n’est pas éloigné de son score national. Près de 2700 Rolivaloises et Rolivalois ont fait ce choix. C’est un point particulièrement marquant. Ce mouvement était indispensable à la cohésion de notre collectivité pour son avenir, comme pour les prochaines échéances électorales, notamment pour les municipales.

4)   Le résultat réalisé par Front National est, à Val-de-Reuil singulièrement plus qu’ailleurs, un échec très important. La formation de Marine Le Pen reste au niveau de 37% des voix exprimées. C’est un seuil inférieur à ce qu’elle obtient dans nombre de localités de l’agglomération Seine-Eure où elle frôle parfois les 50% et à ce dont elle bénéficie sur le département puisqu’elle y remporterait 45% des suffrages. Val-de-Reuil résiste donc beaucoup mieux à l’extrémisme que d’habitude. Le FN n’y progresse d’ailleurs que de 7 points par rapport au premier tour, quand il augmente partout ailleurs de 10 à 15. Indicateur révélateur, en nombre d’électeurs, l’alliance du FN et de DLF parvient à un total, à quelques dizaines de suffrages près, égal à celui du premier tour, soit 1571 voix. Extrême droite et droite extrême unies ne progressent pas d’un pouce.

5)   Il faut noter toutefois que le FN réalise son score le plus haut dans les bureaux de vote installés dans les écoles Léon Blum et Louise Michel, au cœur des quartiers qui n’ont pas encore été touchés par les réalisations de l’ANRU comme ceux du Mail et du Parc, ainsi que voie de l’Epargne. C’est un des résultats du manque de maintenance et d’entretien du bailleur social Eure Habitat sur les maisons et appartements qu’il possède dans cette partie de la Ville où il est très implanté. Le nouveau plan de renouvellement urbain sera donc prioritairement dédié à ces espaces et la Ville veillera naturellement à ce qu’il soit mis en œuvre dans les meilleurs délais. Plus généralement, l’échec de la candidate du Front National à Val-de-Reuil est à mettre au crédit de la proximité, de l’efficacité et de la disponibilité dont fait preuve la municipalité dans son travail quotidien. Ne conservons qu’un élément à l’esprit : le coup d’arrêt et le recul par rapport aux élections européennes qui avait été esquissé le 23 avril, est confirmé ce dimanche pour le FN.

Dès la prise de fonction du nouveau Président de la République, la municipalité se tournera vers ses équipes et lui-même pour plaider l’accélération des projets municipaux essentiels à l’amélioration du quotidien des 15.000 rolivalois. Renouvellement urbain, emploi, éducation, environnement, logement, sécurité, développement du commerce et des services publics seront parmi les premiers sujets sur lesquels l’appui du Président de la République sera sollicité.

7 MAI 2017

Les qualités du Nouveau Président de la République effaceront-elles les défauts d’Emmanuel Macron ?

Communiqué de Marc-Antoine JAMET,

Premier secrétaire de la Fédération de l’Eure du Parti Socialiste

Les qualités du Nouveau Président de la République effaceront-elles les défauts d’Emmanuel Macron ?

Pour la Fédération du Parti Socialiste de l’Eure, le résultat du second tour de l’élection présidentielle  emporte avec lui plusieurs enseignements.

Le premier, le plus rassurant pour la République, est la relative faiblesse de l’abstention par rapport à ce que certaines prévisions avaient laissé entendre. Elle reste nationalement à un niveau encore très proche de celle observée il y a quinze jours. Les consignes ambigües et, somme toute, irresponsables données par certains candidas n’ont fort heureusement été suivies que de peu d’effets, même s’il faut déplorer la multiplicité des votes blancs et nuls qui, d’une certaine façon, permettent ce soir la surreprésentation de l’extrême droite. Au contraire, de nouveaux électeurs, absents, lors du premier tour, sont venus conforter le camp de la démocratie et faire barrage au Front National. Ils ont été l’élan vital de la France pour échapper au populisme.

Le second point satisfaisant de la soirée est le score, nettement plus bas qu’elle ne l’espérait, enregistré par Marine Le Pen au plan national. On peut y voir la conséquence du comportement calamiteux de la Présidente du Front National lors du débat d’entre deux tours, mais cela tient également à la mobilisation concrète des républicains en de nombreux points de l’hexagone à l’image de celle qui s’est faite autour du Premier Ministre Bernard Cazeneuve à Val-de-Reuil jeudi dernier. Mais ce constat positif ne se vérifie pas hélas dans l’ensemble de notre département. Loin de là. On mesure à quel point l’Eure est malade, gouvernée qu’elle est par des majorités de droite dans la plupart de ses villes, au conseil départemental et à la région Normandie. Les résultats qu’y recueille le FN (près de 45%) et les pointes qu’il peut atteindre dans certaines communes où il frôle ou dépasse les 50% sont alarmants.

Un troisième point ne peut être passé sous silence. La Gauche de Gouvernement, singulièrement le Parti Socialiste qui animait pourtant la majorité sortante, est absente de ce second tour et, comme en 2002, s’en est remis à un candidat qui n’était pas issu des ses rangs pour faire obstacle à l’extrême droite. C’est un grave échec qui doit amener, sans attendre et dès les prochaines échéances électorales, un ressaisissement, un redressement et une refondation si les formations traditionnelles de la Gauche ne veulent pas définitivement disparaître, dépérir ou se marginaliser.

Au-delà de ces éléments de fond, les socialistes de l’Eure veulent saluer la victoire du nouveau Président de la République qui l’emporte ce soir avec plus de 9 millions de voix d’avance. Il faut souhaiter qu’il soit le Président de tous les Français. Il faut espérer pour notre pays qu’il réussisse. Il est impossible de ne pas voir l’intelligence et la fulgurance de la trajectoire d’Emmanuel Macron, l’audace qu’il a mis dans sa conquête du pouvoir, la jeunesse et la modernité de ses idées. Autant d’atouts, autant de dangers. Tout dépendra de lui, de ses premiers gestes, de ses premières décisions. Nous observerons donc le choix de son Premier Ministre, la composition de son Gouvernement, la majorité qu’il ambitionne avec la plus grande vigilance. Ces gestes indiqueront sa véritable orientation politique. Il faudra également prêter la plus grande attention aux éléments de son programme économique. Sur le calcul des retraites, l’indemnisation du chômage et la fiscalité, comme sur beaucoup d’autres dossiers, il devra infléchir ses positions et revoir ses propositions s’il ne veut pas sombrer dans le libéralisme le plus austère, le plus stérile. Schroeder oui, Thatcher non. Renzi certainement. Merkel pas vraiment. May pas un instant.

Nous avons évidemment une pensée émue et chaleureuse pour François Hollande qui fût un grand chef de l’Etat et a su diriger, faire avancer, moderniser notre pays au milieu des épreuves les plus dures. L’Histoire lui rendra justice. Il est clair que la République devra lui permettre de s’exprimer et de jouer tout son rôle dans les années qui viennent.

Nous, socialistes eurois, derrière nos candidats Richard Jacquet, Martine Séguéla, Marie-Claire Haki, Laetitia Sanchez, sommes désormais tournés vers l’avenir, c’est-à-dire vers les législatives. Justice sociale et égalité des chances ne sont pas dépassées. Il demeure une Gauche et une droite. Le camp du mouvement hier divisé, aujourd’hui éliminé, doit demain savoir se rassembler. Des discussions ont été ouvertes, dans l’Eure, avec nos amis écologistes et nos alliés communistes. Elles doivent se poursuivre et trouver une issue positive.

Le mouvement En Marche, parfois arrogant, souvent débutant, doit trouver un équilibre dans ses attitudes et ses prises de position. En aucun cas des candidats parachutés, hors sol ou même rejetés par les autres partis ne peuvent prétendre représenter les habitants de notre département mieux que des élus de terrain, enracinés, clairs dans leurs choix, connus de tous. Sans cela nous subirons dans l’Eure le joug du Front National et laisserons les cinq circonscriptions de l’Eure à ces candidats, souvent mis en examen, racistes et incompétents, comme Nicolas Bay, ancien disciple de Bruno Mégret, qui multiplient les provocations à l’encontre des idées et des valeurs qui sont le socle de notre pays et son message universel.

Cependant, c’est la dernière fois que nous échappons au plus haut niveau de nos institutions au Front National. Derrière Marine se dresse l’ombre de Marion. Il s’agit du même système aberrant en pire. Il est donc essentiel de ne pas oublier la leçon des urnes. Notre pays souffre. Il est rongé par l’extrême pauvreté d’une partie de plus en plus importante de la population, les angoisses collectives et la perte des repères traditionnels, ainsi que par la précarité et le désespoir qui, en milieu rural, comme en milieu urbain, ont poussé des millions de personnes vers l’extrémisme. Crise, chômage et terrorisme sont devenus insupportables. Il faut à la France retrouver l’emploi, la sécurité et la prospérité, les trois allant ensemble, pour tourner définitivement le dos à la violence politique, sociale et idéologique. C’est la feuille de route qu’ont tracée aujourd’hui les Français à Emmanuel Macron. Sa première déclaration a été de ce point de vue peu convaincante. Il devra pourtant être à la hauteur de ces enjeux. L’avenir dira s’il en est capable.

7 MAI 2017

Un beau jour pour la France

La ville était belle, elle s’était préparée et rutilait de propreté et de drapeaux. Le maire portait son écharpe. Il y avait du soleil. Il a fait un très beau discours surtout le moment sur la crèche. Il disait : « qu’on soit de Turquie ou de Cherbourg, d’Afrique ou de Rouen, on veut tous protéger nos enfants, et que dans cette crèche, ils seraient tous égaux parce que c’est à ça que sert la République ». Ça nous a tous soulevés et on a applaudi. Et puis le petit homme a parlé sans aucun papier et c’était tout construit dans sa tête. Il avait l’air content d’être là. Le pauvre Stéphane Le Foll, personne lui demandait rien. Et puis, Lapin et d’autres sont venus sur scène et Lapin essayait de se frotter au maire pour récupérer quelques fanes de carotte. On le voyait mais c’était pas grave. On avait pas envie de se fâcher. C’était un beau jour pour la France et ça faisait du bien après l’engueulade de bistrot de la veille.

Laurence Jamet

5 MAI 2017

Retrouvez le discours prononcé hier à l’occasion du Grand rassemblement pour la République organisé à Val-de-Reuil et de l’inauguration la très belle éco-crèche des Noés par Bernard Cazeneuve, Premier ministre

Discours de M. Marc-Antoine JAMET

Maire de Val-de-Reuil et Président de la Commission des Finances de la Région Normandie

A l’occasion de l’inauguration de l’Eco-Crèche des Noés

Par M. Bernard CAZENEUVE, Premier Ministre

Val-de-Reuil/Jeudi 4 mai 2017 à 17h30

 

 

Quatre mots pas plus, quatre mots seulement, Monsieur le Premier Ministre, pour vous accueillir chez nous, c’est à dire chez vous, à Val-de-Reuil. Cette brièveté est de mise : ce que vous avez à nous dire est essentiel. Votre langue est claire. Votre autorité réelle. Votre jugement ferme. De vous, nous attendons donc conseils, convictions et consignes. Singulièrement à 48 heures du second tour de l’élection présidentielle, plus encore 24 heures après un débat qui ressemblait davantage à un numéro de cirque ou de catch avec Mme Deloyale qu’à une communication du collège de France. Votre analyse -soyez en sûr- sera mieux écoutée, mieux entendue et mieux comprise que ces discours. Tant et si bien, si vous me le permettez que, je vous qualifierais volontiers de sage, un jeune sage, mais un sage tout de même.

Modeste contrepoint à ce message, vous voudrez bien pardonner la maladresse de mon propos d’élu local. L’émotion et l’honneur de vous accueillir, non seulement pour une de vos dernières visites de terrain dans les fonctions qui sont les vôtres, mais aussi pour la troisième fois à Val-de-Reuil qu’en « premier flic de France » vous avez inspecté naguère et dont vous avez battu les estrades lors d’un meeting d’anthologie qui ne figura pas à votre casier judiciaire, ont renforcé en moi une timidité que vous savez être maladive.

Quatre mots et le premier sera pour saluer ceux qui sont avec nous autour du drapeau tricolore, parce que ce sont des citoyens, parce que ce sont des démocrates, parce que ce sont des républicains, parce que ce sont eux les vrais patriotes.

Femmes et hommes, jeunes ou vieux, élus ou électeurs, ils sont de Gauche. Ils sont de droite. Ils sont du centre. Qu’importe ! Les législatives demain trancheront. Mais, aujourd’hui, ils sont notre cher et vieux pays. Ils sont sa diversité et son unité sacrée, son intelligence et sa culture, sa force et sa beauté. Français par le sol ou par le cœur, Français par le sang reçu ou par le sang versé, Français de naissance ou de préférence, par destin ou par choix, ils sont ici rassemblés, ceux de la rose et ceux du réséda, devant vous, le chef de leur Gouvernement pour vous dire leur respect et vous rendre hommage. Ils sont, là, confondus dans la foule. Tous égaux ! Tous libres ! Tous frères !

Beaucoup ont peur néanmoins, car ils s’inquiètent de la montée du Front National. Ils se demandent comme Patrick Modiano, notre Nobel de littérature, dans « Rue des Boutiques Obscures » : « Pourquoi certaines choses du passé surgissent-elles avec une précision photographique ?». Pour eux, nous devons reconstruire l’espoir. Avec eux nous pouvons raisonner les égarés. Cela passe par le rappel de quelques vérités.

Pour des raisons personnelles, je suis depuis longtemps un des meilleurs experts du Front National : un tiers d’oubliés, humiliés, un tiers d’exaltés fracassés, un tiers de cinglés à enfermer. Qui voudrait rejoindre ce troupeau ? Si ceux qui sont en haut cessent d’oublier le désespoir, la pauvreté, les angoisses de ceux qui sont en bas, il n’y a pas de fatalité de l’extrême droite. Il n’y a pas de loi de l’éternel retour du nationalisme. Il n’y a pas d’obligation de se soumettre à un clan qui a hérité du nom, de la belle maison, de la faction et de l’esprit nazillon d’un vieillard égoïste, antisémite et raciste. Ni Marine ni Marion n’ont le monopole de la Nation. C’est nous qui sommes les Jeanne d’Arc et les Carnot, les Marie Curie et les Victor Hugo, les Thomas Pesquet et les Yasmina Reza. C’est nous qui sommes la France, sa langue, celle de Flaubert et de Maupassant, sa civilisation, celle qui depuis l’hexagone, rayonne de Québec à Bamako ! Pas eux.

Mon second mot revient sur notre inauguration. Si nous nous interrogions sur ce qu’est une crèche aussi professionnelle et moderne que celle que dirigent Agnès Dupain et Catherine Sarg que vous avez rencontrées, aussi écologique et durable que celle conçue par l’architecte Philippe Madec, aussi accueillante et rassurante que celle voulue par la CAF de l’Eure, aussi solide et économique que l’a livrée la Siloge, la réponse serait simple : une crèche, c’est la joie, la vie et l’avenir, ce qui tourne le dos aux pulsions de mort qu’agitent les fanatiques, les déclinistes, les extrémistes.

C’est quoi une crèche Mme Le Pen ? C’est là où un indispensable service public, animé par des fonctionnaires qualifiés et remarquables, produit de l’équité et de la solidarité pour faire face aux inégalités de la vie entre les sexes, les fortunes, les situations familiales.

C’est quoi une crèche Mme Le Pen ? C’est là où la puissance publique, via la collectivité locale, accorde aide et protection à des usagers qui ont à ce point confiance en elle, en ses moyens et ses méthodes, qu’ils lui remettent ce qu’ils ont de plus cher : leurs enfants.

C’est quoi une crèche Mme Donald Le Pen ? C’est là où la République, une et indivisible, laïque et sociale, offre à chacun qu’il soit blanc ou noir de visage, chrétien ou musulman d’éducation, le même berceau parce que le regard et les besoins des enfants sont les mêmes en Turquie et en Normandie, au Maroc et à la pointe du Hoc, au Sénégal et à Darnétal. Ainsi souhaite-t-on que continue de vivre notre société

C’est quoi une crèche Mme Vladimir Le Pen ? C’est un lieu de transmission et d’éveil quand l’enfant quitte le cocon familial, un lieu où l’on grandit en toute sécurité après avoir lâché un instant la main de ses parents, un lieu où se fait l’apprentissage de la vie, de la découverte, de l’autre. Sans exclusion et sans haine.

C’est quoi une crèche Mme Viktor Orban Le Pen ? C’est un premier rempart avant celui des écoles, des collèges pour peu qu’on ne les ferme pas et, des lycées pour la socialisation et l’épanouissement face aux dérives, aux déviances, aux délits. Vous connaissez la formule : vous ne croyez pas en l’éducation, essayez l’ignorance.

Cette réalisation le montre. Pour bâtir le futur que nous voulons pour nos enfants, mais aussi pour nous-mêmes, nous entreprenons de belles choses, nous prenons de grandes décisions, nous concentrons à des sacrifices considérables. Quand il s’agit des siens, j’ai remarqué qu’on s’abstient rarement. Si votre fille hésitante s’interroge sur une formation, vous ne lui dites pas « je vote blanc ». Si votre fils débutant vous interroge sur la valeur d’un métier, vous ne lui dites pas « je vote nul ». A l’heure des grandes échéances personnelles, nous n’acceptons pas que d’autres disent oui ou non à notre place. Nous écoutons, discutons, évaluons, mais – à un moment – nous nous engageons. Ce qui est vrai pour une famille l’est aussi pour un peuple.

Mon troisième mot sera pour la situation que nous vivons. Cette élection présidentielle est tout sauf anecdotique. Alors que nos troupes se battent, que nos policiers veillent, que le terrorisme, la crise et le chômage – trois fléaux qui vont ensemble – commencent de reculer, entre la résistance et la collaboration, je sais de quoi je parle, nous n’avons pas le droit de nous tromper dimanche.

Monsieur le Premier Ministre, nous avons fait tous les deux loyalement campagne pour notre candidat Benoît Hamon. Sa position est limpide. Il l’a courageusement exprimée au soir du 23 avril. Il l’a réaffirmée hier dans le Monde. Ce n’était pas facile pour lui de le dire : il votera Macron. Mais beaucoup de mes administrés ayant manifesté des tempéraments d’insoumis, je ne voudrais pas qu’ils aient dimanche prochain des comportements d’aigris. A 31%, ils se sont prononcés pour Jean-Luc Mélenchon avec qui je fis, lorsqu’il était Ministre de Lionel Jospin, ici ma première, inauguration. C’est rappeler que nous pouvions à l’époque nous fréquenter. Cette proximité n’a sans doute pas disparu. Je suis persuadé que, le matin, dans votre salle de bain, Monsieur le Premier Ministre, il vous arrive de chantonner « ni banco, ni facho ». Un jour de grande facétie, on peut vous imaginer ajouter « ni patron, ni patrie ». Mais l’avenir d’un pays de 65 millions d’habitants n’est pas une loterie. Mais le futur de la France n’est pas un slogan. Mais la colère n’est pas un état permanent. Mais nous n’allons pas élire à l’Elysée Monsieur Blanc. Dans nos institutions, le scrutin majoritaire uninominal reste une arme à deux bulletins. Si on n’appuie qu’une seule fois sur la détente de l’urne, cela ne sert à rien. Ne pas s’exprimer au second tour, c’est faire les choses à moitié. C’est face à la recomposition de la gauche et de la droite perdre la légitimité de revendiquer des progrès, la possibilité de contester des régressions.

Au-delà de l’élection d’un homme (ou d’une femme), nous choisissons la société que cet homme (ou cette femme) veut pour notre pays, pour nos villes, pour nos familles, pour nous-mêmes. Tout ne se vaut pas. Ce ne sera pas blanc bonnet/bonnet blanc.

Il est vrai qu’un candidat inquiète ma famille politique quand il parle des retraites, de la protection contre le chômage, du rapport de forces dans l’entreprise. Mais, face à lui, une candidate qui a construit son projet sur la négation de nos valeurs, sur le repli sur soi, sur la méfiance et le rejet de l’autre, fait bien pire. Ses amis ont un visage et un parti : celui de la violence. C’est la guerre de tous contre tous. Elle projette de sortir de l’Europe en abandonnant l’Euro. Pour reprendre les mots d’un Président du Conseil Constitutionnel que nous connaissons bien Bernard, cela revient à enlever son parachute au moment de sauter de l’avion en plein vol. Un débat hier l’a prouvé. Elle n’a rien de sublime. Tout en elle est grotesque. Le ridicule de ces gestes fait écho à la confusion de ses idées.

Alors il faut sortir de l’ambiguïté. Ici, on ne coupe pas son cidre à l’eau de Vichy. Ici, si nous ne détestons pas manger leurs cornes, nous n’avons pas la pudeur des gazelles. Je préfère être en marche plutôt qu’être en marge. Alors, même si Emmanuel Macron ne représente notre premier choix, il faudra qu’il soit notre dernier mot et que sans exception nous votions pour lui.

Ma conclusion sera pour vous même et je crains que cela ne vous déplaise fortement. Tout le monde connaît la formule : pendant les travaux la vente continue. Eh bien, pendant la campagne, la République continue elle aussi, dans le calme comme dans la tempête, au milieu des agitations stériles et des grandes déclarations. Vous êtes celui qui tient le cap, sans hurlement et sans faiblesse, celui qui assure l’ordre et pas seulement l’ordre public, la sécurité et la continuité des institutions, des administrations, du gouvernement. Vous êtes le môle, le roc, sur lequel viennent se briser la houle et les vagues. Ai-je rappelé que vous venez de la Manche du Cotentin et de Cherbourg où le climat n’est pas toujours clément ?

Pour que le navire avance – et la France n’est pas plus un pédalo que la Russie une troïka et les Etats-Unis un rodéo – il faut un capitaine. C’est François Hollande à l’encontre duquel cette ville aurait bien tort de montrer la moindre ingratitude tant il l’a aidée, soutenue, accompagnée réservant à la plus jeune commune de France, une matinée mémorable, 50 M€ de renouvellement urbain et, à chacun de ses grands projets, l’appui de l’Etat. Mais, contre des courants difficiles, il faut à la fois un équipage uni qui, dans l’obscurité, accepte d’alimenter la machine plutôt que marivauder avec les passagers et, surtout, un bon pilote. Après avoir été le pompier du quinquennat, ministre des affaires européennes pour sortir de la crise de l’Euro, puis du budget pour mettre fin aux turpitudes Cahuzac, enfin de l’intérieur, poste qui ne nous fera jamais oublier l’action efficace et les paroles réconfortantes que vous avez eues, évitant aussi bien la panique que la vengeance, lors des attentats tragiques que nous avons vécus. On en vient à regretter que vous ne soyez pas monté plus tôt sur la passerelle. Ce sentiment est plus grand encore quand on vous voit agir concrètement pour tirer, par décret, arrêté, circulaire, quotidiennement le meilleur de ces quelques mois afin de rendre irréversibles des avancées et des projets. Que n’avez-vous eu cinq ans devant vous !

Dans la conjoncture dramatique que nous traversons, il faut que le chef de gouvernement soit un homme lucide et courageux, un homme solide et responsable, un homme combatif et protecteur, un homme fidèle à une politique et à une ligne de conduite, un homme qui garde sa maîtrise et son sang-froid pour assurer en dépit de la montée des tensions et des passions, des polémiques et des dangers pour assurer de l’efficacité à la conclusion de sa mission, pour garantir la régularité et la tranquillité de la transition quelle qu’elle soit.

Vous avez reconnu ce portrait-robot, mais vous n’êtes pas de ceux qui recherchent l’éclat des paillettes, le clinquant des attitudes, le tapage des médias. Vous creusez silencieusement la trace d’un grand serviteur de la République. C’est le terreau duquel naissent les plus grands hommes d’Etat. C’est la trajectoire que vous initiez, aux yeux de ceux qui savent voir, pour laisser votre place dans l’histoire. « Il y a des êtres mystérieux, toujours les mêmes, qui se tiennent en sentinelles à chaque carrefour de notre vie » C’est encore une citation de Patrick Modiano dans Villa Triste et elle vous va parfaitement. A chacune de vos venues, vous grimpez d’un rang dans le protocole de la république. Revenez très rapidement.

2 MAI 2017

La République et Leroy ou comment les traditions avaient du bon !

La République et Leroy

ou comment les traditions avaient du bon !

 

par Marc-Antoine JAMET, Vice-Président de l’Agglomération Seine Eure

 

Il y avait – naguère – dans notre République, deux ou trois traditions qu’il était de bon ton de respecter. Les Jules et Adolphe tout au début, Jean de Carmaux, Georges le Tigre, et Léon le populaire à leur suite, Vincent l’effacé et René l’effaré à leur tour, tout comme l’intransigeant Pierre et son verre de lait, Charles le connétable bien sûr, Georges aux gros sourcils et Valéry le dégarni également, jusqu’à François le florentin enfin, s’en accommodèrent fort bien. Ils s’en satisfirent même.

Je ne parle pas ici du septennat, du primat de la loi nationale, de l’indépendance des communes, du cumul des mandats et de la nocivité des primaires. Si ces piliers de notre civilisation politique, pendant cent ans et plus, ont été acceptés et compris de tous, ils passent aujourd’hui pour de la pornographie constitutionnelle. Il n’y aurait rien de plus haïssable qu’un sénateur-maire, rien de plus détestable qu’un candidat qui ne se soit pas soumis au vote interne des militants et des sympathisants de son parti avant de se présenter devant les électeurs de son pays, rien de plus dangereux que la cohabitation issue de deux votes contraires d’un même peuple. Tenons-le nous pour dit. Pratiques qualifiées de douteuses, voire de honteuses, par nos contemporains, tout épris qu’ils sont de cette transparence et de cette précaution dont ils se lavent la bouche chaque matin, le misérable petit tas de vieilleries qui ont fait la France des Trente Glorieuses et lui permirent de tenir son rang au siècle précédent, a donc été relégué, avec le droit canon, aux plus inatteignables des rayonnages des bibliothèques universitaires. Dans celles des particuliers, on en cache les vestiges, manuels, codes et polycopiés des années soixante-dix, non loin des ouvrages interdits qui, traitant de la « chose » sous ses formes les plus bestiales, redonnent aux couples fatigués un accès de fièvre le samedi soir. Aveuglés par les jolis mots de renouvellement et de modernisation que macronistes numériques, écologistes décroissants, populistes chavezistes et fascistes peroxydés nous servent à longueur de journée, confondant gaullisme et gâtisme, socialisme et saturnisme, Corrèze et Zambèze, nous avons fini par nous résoudre à abandonner ce qui faisait notre singularité et notre identité pour bêtement ressembler, pour ce qui est de notre organisation politique, à nos voisins. Avec leurs défauts, mais sans leurs qualités. Nous étions en tête. Nous sommes rentrés dans le peloton. Dans cette course à la banalité, on nous annonce que, bientôt, le poste de Premier Ministre sera supprimé afin d’affirmer le caractère présidentiel de notre régime. Comme aux Etats-Unis, mais sans leur puissance ni leur culture ! Une nouvelle balle que la France se tirera dans le pied : quelle absurdité, quelle stupidité… Cela étant dit, même si c’est notre Histoire, c’est une autre histoire que celle qui me préoccupe ici.

Ne pas réunir les Assemblées

Car ce ne sont pas les DS bleue nuit, l’ORTF, les forts des halles présentant leurs vœux au Chef de l’Etat et la rosière de Pessac lui adressant un sourire empourpré que je regrette. Je ne cherche pas à parler d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. « Colombey et Solferino en ce temps là accrochaient leurs Lilas ». La disparition que je déplore c’est, parce que tout devient procédure et contentieux, celle de ces non-dits et de ces non-écrits, de ces solutions de bon goût et de ces règles de bon sens qui, à la fois, donnaient de la souplesse à nos institutions et leur servaient de garde-corps. J’allais écrire de garde-fous. Je veux parler de ce que les professeurs de droit de la rue Saint-Guillaume appelaient avec gourmandise la « coutume ». Moins que la norme, plus que la jurisprudence, elle était un territoire imprécis, mais nécessaire, où prospéraient l’intelligence démocratique et la courtoisie républicaine, bref le génie français, sans dépasser pour autant l’importance et les limites au-delà desquelles l’interprétation et l’exégèse des sages de la rue Montpensier n’auraient pu la contrôler. Entrait de plain-pied dans cette catégorie, l’habitude, le terme est certainement trop faible, la bonne habitude, l’excellente habitude de ne pas réunir les assemblées délibérantes des collectivités ou de la Nation au moment des élections.

On en voit bien les raisons. Elles relèvent de l’évidence. Une majorité peu sourcilleuse – cela n’existe pas – pourrait, qu’elle soit municipale, intercommunale, départementale, régionale ou parlementaire, profiter de ces séances trop proches des scrutins, surtout si leur verdict la concerne directement, pour faire passer en bataillons serrés textes démagogiques, promesses utopiques et mesures chimériques, y compris budgétaires, afin d’appâter l’électeur transformé en gogo. Les hommes étant les hommes, notre vertu ne se comparant pas à celle des anciens latins, on imagine, les ordres du jour étant fixés par les exécutifs sortants, qu’ils y inscriraient plus volontiers des délibérations permettant de chanter leurs louanges que des interpellations aboutissant à pointer leurs lacunes. Ce serait légal, mais ce serait injuste, inégal, inique. « Votez pour moi. Demain on rase gratis » deviendrait le chant du cygne, le chant du sphinx de tous les sortants profitant de ces tribunes officielles pour, avec toute l’apparence du sérieux et l’onction publique, inonder de bonnes paroles les électeurs et renaître de leurs cendres.

Eviter la foire d’empoigne

Autre raison souvent invoquée pour expliquer cette interruption dans la tenue des réunions politiques, il est certain que, si de grands débats étaient inscrits à l’agenda du Parlement ou des conseils territoriaux, il n’en sortirait à pareille époque, pas grand chose de bon, de grand ou de sublime. Qui imagine opposition et majorité, après s’être invectivées à longueur d’émissions et de meetings, soudain s’arrêter pour adopter les discours les plus policés et faire les propositions les plus mesurées, chassant la démagogie, par pur esprit de responsabilité. Cela doit exister quelque part entre Finlande et Islande, mais pas au pays des querelles de Gaulois. On sait bien que, chez nous, cela ne marche pas comme cela. La majorité, maîtresse de la procédure, déroulerait la longue liste de ses bienfaits et de ses miracles. L’opposition réclamerait l’abrogation de lois scélérates qu’elle approuvait la veille et demanderait la démission de responsables dont, il y a peu, elle louait la sagesse, l’une comme l’autre dans le simple but de troubler citoyens et campagnes. J’entends électorales. Pendant trois mois, pire pendant la campagne officielle, chaque camp serait à l’affût du moindre micro ouvert, guetterait les stylos, courrait vers les caméras pour vitupérer, ratiociner, polémiquer. Pas pour proposer. Pas pour décider. C’est le jeu. On voit d’ici le champ de bataille ou le champ de foire, démagogique et inutile, que deviendraient nos assemblées nationales ou locales. Dans l’ensemble, jusqu’à présent, on s’est épargné ce spectacle, ce ridicule, ce désordre. Les grandes joutes politiciennes restent heureusement, le temps des grandes votations, confinées aux écrans, aux salles polyvalentes, aux journaux, aux repas de famille, aux bistrots, quelquefois aux parkings d’entreprise. Les murs de la République en sont épargnés.

Enfin, et ce n’est pas le plus idiot, beaucoup ont estimé que lorsque le sort d’un pays, d’une région, d’un département ou d’une commune était en jeu, mieux valait laisser femmes et hommes politiques animer des meetings, toquer à la porte des maisons, réfléchir à leur programme et soutenir leur héraut plutôt que les enfermer à température montante dans un hémicycle cocotte minute. Non seulement on leur évitait de s’étriper, mais on les invitait à revenir sur le terrain, devant leur base, en libérant leur temps de toute autre occupation qui les enfermerait dans un bureau ou une salle de commissions. C’est ce qui s’observe toujours au Palais Bourbon comme dans celui du Luxembourg. C’est la ligne que le département de l’Eure paraît suivre tout comme la région. C’est la contrainte que je me suis donné lorsque vient le moment pour mes administrés, en me désignant à nouveau ou me congédiant, de choisir leur maire. Pas de conseils municipaux. C’est plus clair. C’est plus normal. C’est plus honnête. L’air extérieur fait du bien aux idées. Voir de « vrais gens » peut avoir son utilité à la veille d’un mandat. Il faut « libérer » les politiques le temps des campagnes.

Laisser les élus sur le terrain

Il semble que cette tradition sans prétention ne soit pas parvenue jusqu’au Vaudreuil, non plus qu’à Louviers. En effet, Bernard Leroy a cru utile, jeudi 27 avril, « parce qu’il faut voter le PLUI et que c’est très important » (sic, sûrement plus que de voir un parti d’extrême droite emporter dans sa gueule l’Elysée trois-quarts de siècle après la chute de Vichy) d’inscrire 46 ou 47 délibérations pour une de ces interminables et languissantes séances dont l’agglomération Seine-Eure, dans son hideux bunker de béton, a le secret. En temps ordinaire, on soupire et on fait avec. Mais là, c’était, précisément entre les deux tours de l’élection présidentielle, le soir même où s’exprimait sur la plus grande chaîne de télévision un des deux candidats à la magistrature suprême. Bref, nous étions à un tournant de la campagne et il aurait été bien vu de laisser chaque élu de notre territoire écouter celui qui sera sans doute le futur Président de la République pour se forger une opinion pour eux mêmes et ajuster les arguments qu’ils proposent à leurs concitoyens. Au lieu de cela, on a confiné les maires d’une grosse trentaine de communes de l’Eure dans une salle sans fenêtres pour qu’ils débattent pour la énième fois de savoir si l’actuel Maire de Louviers devait bénéficier d’un, deux ou trois coups de pouce financiers chaque mois pour réussir au bout du bout à ne pas gérer sa ville. Passionnant. Qui va déclencher le feu nucléaire ? Ah, de grâce, ne nous dérangez pas, nous sommes en train de décider de l’affectation maraîchère d’une parcelle en bordure d’Iton ! Le prochain chef de l’Etat modifiera-t-il le régime des retraites, des impôts et du chômage ? Mais vous ne voyez pas que nous sommes sur le point de modifier un carrefour champêtre ? Soit, mais à ce train là, il aurait fallu demander à la chambre des députés de mai 1940 de continuer à légiférer sur les bouilleurs de cru, plutôt que d’aller à Bordeaux. Quitte à élire Pétain, cela se serait fait sans bouger de la capitale, sans lever la séance sous la protection de l’armée allemande…

Ce n’est pas sérieux. C’est pourquoi je me suis permis, un chien pouvant bien regarder un évêque, d’interpeller le président de l’intercommunalité sur l’insupportable légèreté dont il faisait preuve en la matière. Devant tous les délégués de l’établissement public intercommunal, il a juré, assurant le faire sans malice, ne pas connaître pas l’existence, ni comprendre la justification de cette trêve des confiseurs quinquennale qui, prudemment, renvoie les élus à leurs tractages, à leurs boîtages, à leurs collages quand on élit le Président de la République au suffrage universel. On aurait pu lui pardonner cette ignorance s’il avait été, perdreau de l’année, un grand débutant, le lait lui coulant du nez, et que son expérience politique était encore toute neuve. Mais, comme il a été successivement en quarante ans maire, conseiller régional, député, conseiller régional, délégué communautaire, on doit en conclure que, en bon centriste, sans cri, sans éclat, sans agressivité, il se moque tranquillement du monde. Tout comme le Maire de Louviers, pourtant ci-devant fonctionnaire des Assemblées, qui, 48 heures après que le Front National l’a emporté dans sa cité, lui aussi arguant de son ignorance de l’usage consistant à s’en abstenir, a réuni un conseil municipal permettant tacitement à son adversaire et prédécesseur dont on connaît le talent, le bagout, le métier, trop heureux d’avoir une telle caisse de résonnance à pareille époque, de transformer une discussion en foire d’empoigne. Joli climat, subtile introduction pour une présidentielle déjà à risques.

Empêcher les discours populistes et racistes

Plus grave fût ce qui se passa à la communauté d’agglomération. Parce que la période l’y incitait, un olibrius du Front National profita de ce conseil convoqué par Bernard Leroy pour prendre la parole. Il est délégué désigné. On ne peut l’en empêcher. D‘ordinaire, nul n’y prête attention. Avec la famille Le Pen à 30% des voix dans l’Eure, c’était naturellement une autre affaire. Faisant preuve d’une rare grossièreté, cet individu s’en prit au maire de Bohicon, Luc Atropko, qui était ce soir là notre invité et, dans une moindre mesure, à celui qui pilote bien des délégations africaines en Normandie, Hubert Zoutu notre collègue d’Heudebouville, dont il n’a échappé à aucun de ceux qui l’approchent que sa peau a des reflets moins pâles que la mienne. Parce que le moment qui lui était offert s’y prêtait merveilleusement, nous avons eu droit avec le représentant de Mme Le Pen au Pont-aux-Anes du racisme le plus crétin et de la bonne conscience coloniale la plus bornée. Nous avons, par notre maladresse, je ne veux pas penser complicité, ajouté à ses moyens de campagne et à son temps de parole un bonus inespéré. Il y a bien un responsable à cela ?

Pour moi c’est Bernard Leroy. Comme la Quatrième République à qui on pardonnait de gouverner mal parce qu’elle gouvernait peu, il préside avec parcimonie. Avec modération, comme on le dit de l’absorption d’alcool, c’est à dire à faible dose. Aucune chance qu’en soufflant dans le ballon, on ne lui diagnostique un excès d’autorité ou un coma pragmatique. C’est d’ailleurs ce qui, en général, fait son charme. Pas au cas présent. Son silence obligea notre hôte africain à se défendre lui-même pour répliquer aux propos scandaleux qui furent proférés contre lui, propos qu’on peut regretter au nom des lois sacrées de l’hospitalité, mais surtout en vertu de notre éthique, de nos valeurs, de la devise de notre pays. Heureusement, notre ami béninois, donnant une leçon d’éloquence à ceux qui restaient muets, terrorisés par l’incident, fit rentrer avec habileté, avec fermeté, la bête immonde dans le ventre encore fécond d’où elle était sortie.

Quelle leçon en tirer ? Oublions l’impréparation, l’inconsistance et l’improvisation de ces débats, puisque c’est une constante de notre intercommunalité. Ce qu’il faut retenir, c’est que l’agglomération Seine-Eure, parce qu’elle n’a vu venir ces cinq semaines d’élections dont chacun sait depuis juste cinq ans qu’elles allaient intervenir au printemps 2017, parce qu’elle n’est pas parvenue à adopter la réserve avisée qui sied aux périodes délicates de la politique hexagonale, parce que bureaucratiquement elle a continué d’avancer, seule de son espèce, qu’il pleuve, qu’il vente, et même si les loups sont entrés dans Paris, a offert un extraordinaire porte-voix à des propos probablement xénophobes, sans doute racistes, certainement indignes. Quitte à se réunir, elle aurait pu lancer un appel démocratique et républicain à toutes les femmes et à tous les hommes de bonne volonté pour faire chuter le Front National, battre le tambour de la mobilisation pour que recule l’abstention. Elle s’en est bien gardée. Cela ne lui est même pas venu à l’esprit. Non, il lui fallait remplir une double mission sacrée : voter son PLUI et permettre au représentant plénipotentiaire et titubant de Mme Le Pen de proférer quelques horreurs choisies. Mission remplie.

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